Extrême-droite en Bretagne

Si le Rassemblement National a toujours été plus bas en Bretagne qu’ailleurs, notre région n’est pas épargnée par les courants d’extrême-droite, avec pour particularité que certains courants indépendantistes sont tiraillés, reprochant le « jacobinisme » de l’extrême-droite nationale, tout en partageant certaines idéologies nauséabondes, allant du rejet de l’immigration jusqu’à certaines théories néo-nazies.
Alors que plusieurs médias et élus locaux font l’objet de menaces, qu’un premier projet de centre d’accueil d’exilés a malheureusement été abandonné suite à la pression de ces courants extrémistes, et que d’autres projets sont aussi sur la sellette, il semble utile de dresser un état des lieux, non exhaustif et évolutif, des acteurs régionaux de ces mouvances.
Dernière mise à jour : 27 février 2023
La Bretagne est une région singulière avec une identité forte. Considérée comme une terre de résistance à l’extrême-droite, le Rassemblement National y a toujours fait des scores plus faibles que dans le reste du pays, même si cet écart s’est réduit lors des dernières élections.
Cette identité forte induit une particularité régionale : des courants et partis proches du mouvement breton, allant de l’extrême-gauche à l’extrême-droite, avec des revendications allant du régionalisme à l’autonomisme, en passant par l’indépendantisme ou le nationalisme.
La candidature d’Eric Zemmour a redonné un petit élan à ces mouvances, mais l’extrême-droite, qu’elle soit représentée par des partis nationaux ou régionaux, reste très minoritaire dans notre région. Malheureusement, les courants minoritaires, quels qu’ils soient, ont souvent tendance à compenser cette minorité par des actions violentes, médiatiquement ou physiquement. De manière plus triviale, on pourrait résumer ce principe par « 3 gueulards occupent plus de place que 30 qui se taisent ».
Il peut donc sembler paradoxal de dédier un article à ces acteurs minoritaires et qui ne sont donc pas représentatifs de la Bretagne. L’objectif n’est pas de leur donner plus d’importance qu’ils n’ont, mais de permettre une meilleure connaissance de ces différents acteurs et mouvements, afin de mieux combattre leurs idées, déconstruire leurs réseaux et objectiver leurs liens de dépendance.
Plus d’infos sur les partis politiques de l’ « emsav » (mouvement breton)
LES PERSONNES
Boris LE LAY
Citoyen français né en Bretagne (Quimper), immigré à l’étranger pour échapper aux lois françaises, obnubilé pathologique des étrangers qui immigrent en France.
Il a été condamné à plusieurs années de prison pour négationnisme, apologie de crime, menaces de mort ou provocation à la haine raciale… mais il n’a pour l’instant encore jamais purgé la moindre peine.Il a créé plusieurs sites internet, certains sous sa véritable identité, d’autres de manière anonyme. Certains sites et plusieurs de ses comptes sur les réseaux sociaux ont été fermés, à la suite de plaintes ou grâce à l’action d’un hacker en février 2022.

Son blog, borislelay.com, et son site breizatao.com, son désormais inactifs.
Cette page Facebook est toujours active : https://www.facebook.com/breizhouratav.
Boris le Lay est revenu récemment dans l’actualité, ayant été « logé » au Japon.
Il est toujours très actif sur internet, sous divers pseudos et sur des sites qui ne sont pas « régionaux ». Il intervient sous le pseudo « Gandalf le blanc » ou « Captain Harlock » sur son site « Démocratie participative », qui diffuse des podcasts de chroniques sur l’actualité, mais qui sert surtout de tribune aux théories néonazies, antisémites, racistes, homophobes… https://dempart.space
Il a aussi créé le forum « Europe Ecologie les Bruns », où il participe sous les mêmes pseudos. https://eelb.su/index.php
Il est également à l’origine du « Parti national Breton », mouvement lancé fin 2021, reprenant le nom d’un ancien parti nationaliste d’extrême-droite de l’entre-deux guerre (voir plus bas). Suite à la fermeture de sa chaine Youtube, il diffuse désormais ses vidéos sur Odysee, plateforme vidéo sans modération.
Plus d’infos : https://fr.wikipedia.org/wiki/Boris_Le_Lay
Yann VALLERIE
Ancien président du mouvement « Jeune Bretagne » (dissout en 2013), il a été candidat aux élections cantonales sous cette bannière, à Fouesnant, en 2011 (405 votes, soit 4,01% des voix exprimées)
L’année suivante, il se présente aux législatives à Morlaix, mais ne recueille que 301 voix, soit 0,58% des suffrages exprimés).
Il a ensuite fondé en 2013 le site Breizh-Info, dont il est encore aujourd’hui rédacteur en chef : https://www.breizh-info.com/
Breizh-Info fait partie des sites dit de « réinformation », qui diffuse quelques informations régionales classiques afin de donner l’apparence d’un site traditionnel, mais diffuse surtout largement des contenus de propagande d’extrême-droite, tout en veillant à ne jamais tomber sous le coup de la loi, quitte à flirter avec la ligne jaune (ou plutôt brune).
Une bonne partie des articles traite surtout du rejet de l’immigration et sert de marchepied occasionnel au Rassemblement National et à Reconquête.

Yann Vallerie réside à côté de Callac, il avait d’ailleurs tenté de rentrer dans l’équipe municipale en 2014 : https://www.ouest-france.fr/bretagne/duault-lencombrant-passe-dun-colistier-1975685
Début 2022, il publie « Sécession », un pamphlet politique appelant à « agir plutôt que de subir la tyrannie sanitaire, la répression politique, la terreur médiatique, le naufrage scolaire, le grand remplacement », etc. Le livre est préfacé par Piero San Giorgio, auteur survivaliste qui s’est illustré en déclarant, dans une vidéo Youtube (aujourd’hui supprimée), que « La vraie nature des Européens c’est d’être un Waffen SS, un lansquenet, un conquistador ».
Il serait à l’origine de la médiatisation, fin 2022, de l’ouverture d’un centre d’accueil d’exilés dans cette commune, qui a généré une forte mobilisation des réseaux d’extrême-droite (notamment Reconquête). Suite à des menaces sur les élus et sur les médias locaux, la municipalité a fini par abandonner le projet.
Philippe MILLIAU
Habitant de Clohars-Fouesnant, il a été dirigeant du mouvement « Bloc identitaire », élu du Front National, puis du parti de Bruno Mégret. En 2021, il est coordinateur de campagne d’Eric Zemmour pour la Bretagne et les Pays-de-la-Loire.
En 2014, il co-fonde « TV-Libertés », dont il est encore aujourd’hui le président.
Cette web-TV fait partie de ces médias qui se revendiquent de « réinformation », une sorte de « Fox News à la française », marchepied des partis nationaux d’extrême-droite.

Jean-Yves le GALLOU, l’inventeur du concept de « préference national » (version moderne du national-socialisme), est un des intervenants les plus réguliers de cette web-TV.
TV-libertés flirte allègrement avec toutes les thèses complotistes courantes, que ce soit sur le COVID, l’Ukraine, Poutine… avec une tendance larvée à l’appel survivaliste, la sécession, voir l’appel à la prise des armes… (« Il faut se préparer à l’effondrement », « Si la France renaît, ce sera dans le sang », etc.).
Ce média national est quand même assez ancré régionalement et sert régulièrement de tribune aux acteurs bretons d’extrême-droite.
https://fr.wikipedia.org/wiki/TV_Libertés
Tristan MORDRELLE
Il est le fils du militant nationaliste Olivier Mordrel, condamné à mort pour collaboration pendant la seconde guerre mondiale, ayant été agent du service de renseignement des SS.
Olivier Mordrel fut l’un des co-fondateurs du premier journal « Breiz Atao » (dont Boris le Lay a repris le nom pour son blog), et co-fondateur du premier « Parti National Breton » (1931/1939), proche de l’idéologie nazie à partir de 34. https://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_national_breton
Olivier Mordrel échappera aux condamnations en fuyant en Argentine, ou est né son fils, Tristan Mordrelle.
Celui-ci a créé en 1986 une librairie parisienne, Ogmios, qui diffuse des ouvrages antisémites et négationnistes.
Il est aujourd’hui considéré comme l’un des principaux leveurs de fond de l’extrême-droite française. Il a participé au financement de TV-Libertés, mais également de la campagne présidentielle d’Eric Zemmour en 2022, via sa société Omni Raise, basée à Redon (aujourd’hui en redressement judiciaire).
Plus d’infos : https://fr.wikipedia.org/wiki/Tristan_Mordrelle
https://www.letelegramme.fr/dossiers/les-coulisses-du-financement-de-lextreme-droite/
Claudine DUPONT-TINGAUD
Militante identitaire historique, elle est installée à Quimper où elle fait régulièrement parler d’elle, par exemple pour avoir brandi une affiche « Merci Pétain » ou une couverture de « Valeurs actuelles » pendant les cérémonies du 11 novembre. Elle est la fille de militants de l’OAS, avec qui elle a été emprisonnée à 18 ans, devenant ainsi la plus jeune détenue de l’OAS à la prison de la Petite-Roquette.
Plusieurs personnes de sa famille étaient liées à cette « organisation de l’armée secrète », proche de l’extrême droite, pour la défense de la présence française en Algérie par tous les moyens, y compris le terrorisme à grande échelle.

Elle a soutenu la candidature d’Eric Zemmour en 2022. D’après Médiapart, c’est d’ailleurs chez elle que s’est tenue une réunion en juillet 2022, à l’initiative de Philippe Millau, afin de discuter de la candidature d’Eric Zemmour à la présidentielle et de l’organisation de ses soutiens en Bretagne.
Son fils, Grégoire Dupont-Tingaud, était « responsable du maillage territorial » de la campagne de Zemmour. C’est sous le pseudonyme « Grégoire Gambier » qu’il est le porte-parole de l’institut Iliade et collaborateur à « Polémia ». Ces 2 structures sont des sites dit de « réinformation » qui, sous couvert de défense des valeurs européennes, propagent des idées d’ultra-droite. Grégoire Dupont-Tingaud y écrit par exemple des articles sur « l’épopée militante d’Ordre Nouveau » (Ordre Nouveau étant le mouvement néo-fasciste des années 70 à l’origine de la création du Front National de Jean-Marie Le Pen).
Gilles PENNELLE
Conseiller régional de Bretagne pour le Rassemblement national, Gille Pennelle est désormais Directeur Général du parti fin 2022. Plus spécifiquement connu dans la région pour ses vidéos virulentes de dénonciation de l’immigration, ou il multiplie les erreurs, démontrant sa méconnaissance du sujet et sa vision purement idéologique.
Il est très actif sur les réseaux sociaux, où il prône la liberté d’expression, mais toute personne qui le confronte à ses erreurs est automatiquement censuré. Ses nouvelles fonctions nationales et ses ambitions européennes le rendent un peu moins actif dans notre région.

LES ORGANISATIONS
ADSAV
Adsav est un parti nationaliste et indépendantiste breton, fondé en 2000 par Patrick Montauzier, ancien militant du « Front de libération de la Bretagne », elle-même considérée comme une organisation terroriste. Il a été condamné à 15 ans de réclusion criminelle pour sa responsabilité dans l’attentat du château de Versailles en 1978.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Padrig_Montauzier
Patrick Montauzier est encore aujourd’hui le directeur de publication de la revue « War Raok ».
Boris Le Lay, Philippe Millau, Yann Vallerie, ont été des militants du parti ADSAV.
Le site du parti, blog.adsav.org, n’est plus actif aujourd’hui, mais il continuait de diffuser des articles jusqu’en mai 2019. Il s’est principalement illustré lors de manifestations ayant pour but de s’opposer à l’immigration, qui la plupart du temps dégénèrent en violences.
Novembre 2015, manifestation anti-immigration à Pontivy :
Violences en marge de la manifestation d’ADSAV.
Entre 150 et 200 militants d’Adsav sèment la terreur dans le centre-ville.
Janvier 2016 – Quimper
Quimper : des violences après la manifestation d’ADSAV
Violences extrémistes au Pointin Still, il témoigne.
Novembre 2016, manifestation à Arzon
Le 14 novembre 2016, une manifestation est organisée à Arzon, suite à l’agression d’une personne âgée par un mineur isolé étranger.
La manifestation dégénère, les gendarmes sont obligés de protéger le centre d’accueil.
La manifestation est filmée et retranscrite en direct sur le site Breizh-info, mais supprimée quelques jours plus tard, celle-ci montrant clairement des manifestants qui agressent et insultent les forces de l’ordre.
Suite à cette manifestation, 4 personnes sont jugées pour avoir frappé un employé municipal et être entré par la force dans le centre d’accueil. L’un des 4 prévenus, âgé de 19 ans, se suicidera avant la comparution.
Adsav serait sans activité depuis 2016, d’après le dernier président en date, Ronan Le Gall.
Fin 2016, pourtant, ce dernier participe à une manifestation à Arzon, et est même condamné par la justice qui le soupçonne d’avoir organisé le rassemblement en question. Il a ensuite été condamné pour non dépôt de comptes de son parti, et c’est à cette occasion qu’il affirme que l’association n’est plus en activité, aucun bureau n‘ayant d’après lui été élu à partir de 2016.
Plus d’infos : https://fr.wikipedia.org/wiki/Adsav

ALLIANCE SOUVERAINISTE BRETONNE
Cette organisation récente ne se présente pas comme un « parti », mais un « mouvement souverainiste de droite ». D’après Erwan Chartier (aujourd’hui la cible de menaces pour avoir diffusé dans le journal « Le Poher » des articles sur le projet d’accueil des exilés à Callac), cette organisation a pourtant écrit une lettre à Eric Zemmour afin de lui proposer un « ralliement » et un appel à voter pour lui :
Il y fait allusion au possible ralliement de personnalités bretonnes comme Padrick Montauzier, et aussi d’autres « anciens responsales d’ADSAV », sans les nommer.

PARTI NATIONAL BRETON
Historiquement, le « premier » PNB a été un parti nationaliste breton qui a existé de 1931 à 1944, qui a adopté un virage vers l’idéologie nazie à partir de 1934.
Depuis fin 2021, un nouveau et informel « Parti National Breton » a vu le jour sur les réseaux sociaux, Facebook et Twitter, et sur internet.
https://www.facebook.com/Parti-National-Breton-Strollad-Broadel-Breizh-104330375616005/
Ces réseaux diffusent des actus et des podcasts, et sur le terrain s’illustrent par la diffusion de tracts : https://partinationalbreton.com/activisme/
Aucune info ne permet de savoir qui se cache officiellement derrière cette nouvelle émergence du PNB, mais il est assez probable que Boris Le Lay en soit à l’origine : il a diffusé, en juillet 2021, une vidéo intitulée « Pour un Parti National Breton », et le site du PNB faisait partie des sites identifiés pas le hacker qui a mis hors ligne ses sites début 2022.
Il rediffuse sur sa page Facebook les publications du PNB, seulement quelques minutes après leur diffusion. On peut reconnaître sa voix, grossièrement déformée, dans les podcasts du site. Il est donc probable qu’il soit l’organisateur, à distance, des actions de ce groupuscule, avec l’aide de quelques personnes en local.
La façade « régionaliste » masque grossièrement des positions extrémistes, il suffit de lire en détail leur « programme » pour découvrir et reconnaître les obsessions pathologiques de Boris Le Lay.


RASSEMBLEMENT NATIONAL
Les partis nationaux ont toujours été dans une relation ambigüe avec les partis régionaux d’extrême-droite, se voyant respectivement comme des adversaires potentiels, tout en ayant besoin ou en espérant se servir de marchepieds respectifs.
Aux élections présidentielles, en Bretagne, le Rassemblement National a toujours réalisé des scores inférieurs à la moyenne nationale, comme le montre les graphiques ci-dessous. Même s’il reste largement minoritaire, comme partout ailleurs les scores augmentent progressivement.


Aux élections législatives, les scores du RN sont aussi plus bas qu’ailleurs, la Bretagne étant la seule région, avec les Pays-de-la-Loire, à n’avoir élu aucun député de ce parti.
Il faut dire que la plupart de leurs candidats aux dernières élections législatives ont juste prêté leurs noms pour remplir les listes, n’étant parfois même pas résident de la circonscription concernée.
A noter qu’aux élections régionales, le RN a obtenu un score inattendu en 2015, mais est retombé en 2021 quasiment au même score qu’en 2004 en termes de voix.

RECONQUÊTE
La candidature d’Eric Zemmour, en 2022, a redonné un petit élan à l’extrême-droite bretonne, ses positions extrémistes étant plus en adéquation avec les mouvements bretons les plus radicaux. L’échec de Zemmour aux présidentielles et aux législatives a fait retomber l’élan, mais Reconquête tente de garder une emprise locale, principalement en menant des manifestations contre l’accueil des exilés, comme ils l’ont fait à Callac dans le Finistère, ce qui a conduit la municipalité à abandonner le projet. Lors des manifestations contre le projet étaient visibles de multiples banderoles de Reconquête, mais y participait aussi des acteurs connus de l’extrême-droite, comme Pierre Cassen (Riposte Laïque) et Christine Tasin (Résistance Républicaine). Leurs présence répétées ces derniers mois dans notre région laisse penser qu’ils pourraient s’être installés ici. D’autres personnalités de différents bords, mais toutes connues pour des positions islamophobe, voire clairement néo-nazies, étaient présentes.

Présidentielles 2022
Comparatif des programmes sur la politique d’immigration
La question de la politique migratoire est un des sujets les plus discutés lors de cette campagne des élections présidentielles d’avril 2022.
Cet article propose un comparatif détaillé des propositions des différents candidats, il sera mis jour régulièrement en fonction des informations reçues. Certains points de programme nécessitent des précisions sur leur mise en œuvre, plusieurs questions ont été envoyées aux candidats, les réponses éventuelles seront diffusées ici.
Dernière mise à jour : 22 mars 2022

SOMMAIRE :
– Tableau comparatif des candidats de gauche
– Tableau comparatif des candidats de droite
– Détail du programme d’Anne Hidalgo (PS)
– Détail du programme de Yannick Jadot (EELV)
– Détail du programme de Jean-Luc Mélenchon(LFI)
– Détail du programme de Fabien Roussel (PCF)
– Détail du programme de Philippe Poutou (NPA)
– Détail du programme de Nathalie Arthaud (LO)
– Détail du programme d’Emmanuel Macron (LREM)
– Détail du programme de Valérie Pécresse (LR)
– Détail du programme de Marine Le Pen (RN)
– Détail du programme d’Eric Zemmour (REC)
– Détail du programme de Nicolas Dupont-Aignan (DLF)
– Détail du programme de Jean Lassalle (R)
TABLEAU COMPARATIF DES CANDIDATS DE GAUCHE

TABLEAU COMPARATIF DES CANDIDATS DE DROITE

Détail du programme d’Anne Hidalgo (PS)
Source : Anne Hidalgo programme officiel
Propositions 65 et 66 du programme :
« 65 – Redéfinir une politique d’asile, une politique migratoire et d’aide au développement
L’Union européenne doit parvenir à se doter d’une politique migratoire plus humaine, solidaire et efficace. La France fera aboutir la réforme complète du système de Dublin pour garantir des procédures efficaces et un accueil digne des personnes. Ce système sera basé sur la solidarité entre États membres, en fonction de leurs capacités, notamment d’accueil, plutôt que sur la règle arbitraire qui veut que le premier pays d’entrée dans l’Union soit le pays responsable du traitement des demandes d’asile. Si nécessaire et pour éviter les blocages, une coopération renforcée sera organisée entre les États membres volontaires et déterminés à trouver une solution commune.
66 – Accompagner au plan national cette politique européenne d’asile, de migration et d’aide au développement
Depuis toujours, les immigrés ont concouru à la construction et à l’histoire de notre pays et il en ira toujours ainsi dans les décennies à venir. L’immigration mérite une politique réfléchie et apaisée plutôt que les excès et les fantasmes dont elle fait trop souvent l’objet. Je garantirai un accueil digne en toutes circonstances des demandeurs d’asile, par une répartition équilibrée sur tout le territoire et des délais de traitement de leurs demandes maîtrisés à chaque étape. Je lutterai contre les voies irrégulières et meurtrières d’immigration clandestine. La politique d’intégration sera relancée : elle s’appuiera sur l’accès au travail dès la demande d’asile, sur l’organisation de cours de français gratuits, pour les nouveaux arrivants comme pour les immigrés déjà installés qui souhaitent améliorer leur maîtrise de notre langue ; les dimensions culturelles et historiques de notre pays seront également enseignées. »
Détail du programme de Yannick Jadot (EELV)
Source : https://www.jadot2022.fr/lutter_contre_les_discriminations
« Nous établirons une autre politique migratoire
Conscients de l’opportunité que représente l’intégration réussie de nouveaux actifs dans notre société, et attachés à des valeurs de solidarité, d’humanité et au respect du droit, nous mettrons en place une politique migratoire humaniste et maîtrisée, que nous sortirons de l’optique sécuritaire en la confiant à un grand ministère des solidarités.
Dès le début de la mandature, nous respecterons les droits fondamentaux des migrants en garantissant l’accès à la santé et à des hébergements dignes.
Nous interdirons immédiatement la rétention des mineurs et ferons de la rétention administrative un dispositif de dernier recours.
Nous réviserons le dispositif d’accueil et de prise en charge des mineurs isolés en leur donnant accès aux mesures de protection de l’enfance jusqu’à décision judiciaire finale et nous réviserons les modalités d’évaluation de leur minorité en proscrivant notamment les tests osseux.
Nous mettrons fin aux situations de non-droit en régularisant la situation des personnes que l’administration condamne à la clandestinité et à la pauvreté alors qu’elles vivent en famille depuis plusieurs années en France, que leurs enfants vont à l’école ou qu’elles travaillent.
Nous mettrons fin à la campagne de harcèlement judiciaire et policier contre les migrants et les aidants -associations et bénévoles- : la solidarité est une valeur et pas un délit.
Nous simplifierons et ouvrirons l’accès au séjour en France : facilitation des démarches à partir des pays d’origine pour les rendre lisibles et accessibles et remodelage d’une offre de cartes de séjour transparente et simplifiée, incluant des titres de séjour favorisant la circulation et les allers-retours (travailleurs saisonniers) et des titres de séjour humanitaires pour les personnes en situation de vulnérabilité particulière justifiant leur maintien en France.
Ces titres de séjour seront donnés sauf cas particuliers pour une durée minimale de 5 ans et leur examen sera effectué dans un délai de six mois, au-delà duquel une non réponse par l’administration sera considérée comme droit au séjour.
Nous mettrons en place un dispositif d’accompagnement dans les procédures administratives qui entravent aujourd’hui l’accès aux droits notamment dans un contexte de dématérialisation des services publics et renforcerons les services des préfectures afin qu’ils puissent traiter les demandes dans des délais raisonnables et dans l’égalité de traitement.
Nous assurerons l’effectivité du droit d’asile en France : fluidification de l’entrée dans la procédure en rationalisant le parcours ; droit au travail pendant l’instruction de la demande d’asile ; suppression de la liste des pays dits d’origine sûrs en application de l’exigence procédurale d’un examen individualisé.
Nous généraliserons et simplifierons l’accès à des cours de français dès l’entrée sur le territoire et renforcerons les dispositifs favorisant l’intégration sociale et professionnelle des migrant·e·s. »
A noter que le programme de Yannick Jadot a évolué sur plusieurs points, par rapport au pré-programme EELV de 2022. Dans le pré-programme était proposé la « Fin de la rétention administrative et des expulsions« , qui est passé dans le programme final à « [nous] ferons de la rétention administrative un dispositif de dernier recours. » et il n’est plus explicitement indiqué la fin des expulsions.
Détail du programme de Jean-Luc Mélenchon(LFI)
Source 1 : Livre « L’avenir en commun » https://melenchon2022.fr/programme/
L’avenir en commun :
« Renforcer l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) et organiser une conférence annuelle sur les migrations
- S’opposer aux accords commerciaux inégaux afin d’éviter aux migrants de devoir fuir leur pays Agir contre les conséquences des bouleversements climatiques par des transferts de technologies et de l’aide financière et matérielle
- Sortir de l’impasse de la politique de Schengen et Frontex
- Assumer notre devoir d’humanité envers les réfugiés
- Faciliter l’accès aux visas, régulariser les travailleurs, étudiants, parents d’enfants scolarisés et instituer la carte de séjour de dix ans comme titre de séjour de référence
- Créer un statut de « détresse environnementale » apportant une protection temporaire pouvant devenir durable en fonction de la gravité de la catastrophe ayant entraîné la migration
- Suspendre le règlement Dublin, renégocier les accords du Touquet
Prendre en charge les personnes migrantes grâce à des structures d’accueil et d’hébergement en nombre suffisant sur tout le territoire, en finir avec le délit de solidarité, créer un guichet unique d’accueil - Garantir pleinement le droit d’asile notamment en prenant le temps d’étudier chaque dossier Abroger la loi asile et immigration »
Source 2 : Livret thématique sur l’immigration : https://melenchon2022.fr/livrets-thematiques/migrations/
« Agir pour la paix et mener une politique de codéveloppement
Dans un premier temps, les pays de l’UE, et plus particulièrement la France, doivent mettre un terme aux interventions militaires illégales et illégitimes, notamment dans les pays africains. Celles-ci engendrent des conflits armés sans fin et la radicalisation de sections entières de la population.
Nous proposons d’instituer une coopération euro-méditerranéenne de progrès social, écologique et de codéveloppement en direction des pays du Maghreb, du Machrek, d’Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient.
Dans un deuxième temps, la France proposera aux dirigeants africains d’établir des accords de coopération et d’échange économiques respectueux des normes environnementales et sociales, axés vers l’intérêt général des populations afin que celles-ci bénéficient et profitent de leurs ressources et de leur travail au lieu d’en être dépossédées. Il est également essentiel que la politique de codéveloppement ne soit plus utilisée comme une monnaie d’échange lors de la conclusion d’accords de réadmission migratoire avec les États concernés.
La France agira également pour que les politiques créant une « Europe forteresse » et de stigmatisation des étranger·es non-communautaires soient abandonnées, et les accords de Schengen renégociés au profit d’une action résolue en faveur de politiques nouvelles de migrations internationales et de codéveloppement, en particulier avec les pays du pourtour méditerranéen. Ces politiques auront pour objectif principal de refonder la politique européenne de contrôle des frontières extérieures, en refusant la militarisation et l’externalisation de la politique de contrôle des flux migratoires. Dans ce cadre, des dispositifs ambitieux favorisant le concours des migrant·es au développement de leur pays d’origine seront mis en œuvre : aides à des projets de réinstallation ou à d’autres formes de contribution qui n’impliquent pas nécessairement un retour définitif (retours pour des périodes temporaires, abondement public à de l’épargne issue de la migration en faveur d’actions de développement, etc.) Ceci implique notamment de laisser ouverte une possibilité de fluidité des migrations (possibilités de retours temporaires sans crainte de perdre son droit à revenir en France, etc.)
L’Avenir en commun propose donc une approche globale, concertée à l’échelle internationale et européenne afin d’arrêter la guerre aux migrant·es et permettre à chacun·e de « vivre et travailler au pays ».
- Sortir de l’OTAN. La France doit se porter aux avant-postes d’une nouvelle alliance universelle pour la paix
- Renforcer les missions de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en combinant lutte contre les causes de l’exil forcé, réponses d’urgence, soutien aux pays d’accueil, préparation du retour des réfugié·es et anticipation des futur·es déplacé·es climatiques
- Stopper les accords commerciaux et économiques inégaux, dont les accords de libre-échange adoptés par l’UE envers les pays africains, avec les pays en développement, qui les déstabilisent et détruisent leurs agricultures locales, et permettre ainsi la souveraineté de chaque pays
- Refonder la politique européenne de contrôle des frontières extérieures, refuser la militarisation de la politique de contrôle des flux migratoires afin de sortir de l’impasse de Schengen et de Frontex. Il est donc nécessaire de mettre fin aux opérations de Frontex dont les missions et les actions ne sont pas compatibles avec le respect des droits fondamentaux
- Renégocier les accords du Touquet avec le Royaume-Uni, qui lui permettent d’externaliser sa frontière à Calais, et proposer la création d’un bureau d’asile commun à Calais
- Suspendre le règlement de Dublin et mettre en place des règles d’harmonisation du système d’asile, déconnecté des politiques migratoires et non soumis aux impératifs de gestion des flux migratoires
- Mettre fin à l’instrumentalisation de l’aide au développement, qui a conduit l’UE à signer l’accord de la honte « visa+adhésion contre migrants » avec la Turquie en mars 2016
- Créer un corps européen civil de secours et de sauvetage en mer pour éviter les milliers de noyé·es en Méditerranée et permettre le transport maritimes des migrant·es vers l’Angleterre. Actuellement les accords du Touquet obligent la France à empêcher le franchissement de la Manche par les migrant·es
- Défendre la création d’un statut de détresse environnementale. D’après l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), les catastrophes climatiques déplacent entre 21 et 24 millions d’êtres humains par an, soit plus de 60 000 personnes chaque jour. Certains pays sont menacés de submersion et les mégalopoles côtières, comme Jakarta, Tokyo, Shanghai ou Bombay, mais également Londres, Istanbul et l’ensemble des villes des Flandres et des Pays-Bas, pourraient durement souffrir de la montée des eaux. L’ONU a d’ailleurs déjà annoncé qu’il devrait y avoir plus de 250 millions de réfugié·es climatiques d’ici à 2050. La France pourrait décider de la création de ce statut de manière unilatérale afin de mieux le promouvoir dans les accords internationaux.
Assurer notre devoir d’humanité
La France est le premier pays au monde à intégrer le droit d’asile dans sa Constitution, dès 1793. En dépit des reculs récents, notre pays incarne toujours dans le monde les principes issus de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : liberté, égalité et résistance à l’oppression. De ce fait, tout·e étranger·e persécuté·e dans son pays peut trouver asile en France.
Patrie révolutionnaire, elle naturalise en 1848 les ouvrier·es étranger·es qui participent à l’insurrection. Elle accueille ensuite les Arménien·nes fuyant le génocide turc, des citoyen·nes d’Europe centrale persécuté·es pour leur origine, des républicain·es espagnol·es après la guerre civile de 1936-1939, des boat people d’Asie en 1979. L’accueil fonde notre identité républicaine. Ainsi, le peuple français est le résultat d’intégrations successives et notre pays s’est continuellement enrichi de ces apports extérieurs. Notre mission collective est de respecter la dignité humaine des migrant·es et leur droit fondamental à une vie de famille. Les refuser, c’est être étranger aux principes de la patrie républicaine.
Nous proposons de mettre en œuvre un plan national qui repose sur les mesures suivantes.
- Inscrire dans la loi française le principe de responsabilité des pouvoirs publics à offrir un accueil digne
- Prendre en charge les personnes exilées grâce à des structures d’accueil et d’hébergement en nombre suffisant, en concertation avec l’ensemble des acteurs locaux et coordonnées sur tout le territoire français de l’Hexagone et des Outre-mer, accompagnée d’un accueil spécifique des personnes fragiles et vulnérables
- Rétablir la carte de séjour de dix ans comme titre de séjour de référence pour les étranger·es, respectant le droit au regroupement familial, régularisation automatique pour tout conjoint·e marié·e ou pacsé·e
- Régulariser tous les travailleurs et travailleuses sans-papiers et faciliter l’accès à la nationalité française pour les personnes étrangères présentes légalement sur le territoire
- Régulariser les étudiant·es et parents sans papiers d’enfants scolarisé·es
- Rétablir l’unicité de la loi sur le territoire en soumettant l’octroi des titres de séjour à des critères objectifs ne souffrant d’aucune différence d’interprétation d’une préfecture à l’autre
- Mettre en place une commission du titre de séjour pouvant être saisie de tous les cas de demandes de rendez-vous sans suite ou de refus de délivrance de titre, dotée d’un pouvoir de décision, lieu d’un débat public et contradictoire
- Restaurer la liberté de circulation au sein de l’espace Schengen (avec un encadrement strict de sa suspension temporaire)
- Mettre en œuvre un accueil digne des migrant·es avec une répartition sur l’ensemble du territoire européen mettant fin à l’approche hotspots
- Dépénaliser le séjour irrégulier et abolir le placement en centres de rétention administrative des enfants et de leurs parents
- Construire des centres d’accueil aux normes internationales avec le concours de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) pour proposer aux migrant·es des conditions dignes
- Remettre en cause le fichage des étranger·es et la biométrie dans le contrôle des frontières de l’UE
- Assouplir les politiques de visas « au titre de l’asile », en veillant notamment à empêcher que les coûts des visas nationaux soient utilisés comme des mesures de dissuasion
- Garantir l’accès effectif aux soins de toutes et tous face aux instrumentalisations politiques de l’aide médicale d’État (AME)
Protéger les mineur·es non accompagné·es
La France accueille sur son sol environ 17 000 jeunes mineur·es non accompagné·es (enfants de moins de 18 ans hors de leur pays d’origine et séparés de leurs parents ou responsables légaux). Ces dernier·es ont le droit, au sein de l’UE, d’exercer leurs droits fondamentaux, notamment ceux promus par la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), adoptée par l’Organisation des Nations Unies le 20 novembre 1989.
En France, leur accueil et leur protection relèvent de la compétence des départements. Ainsi actuellement, les conditions et procédures d’accès aux services de protection diffèrent considérablement d’un département à un autre.
Pourtant, les mineur·es non accompagné·es doivent bénéficier, comme tous les enfants, des droits fondamentaux : scolarisation, hébergement, protection sociale. Nous proposons de :
- Appliquer la présomption de minorité. Cela revient à respecter les articles 2 et 20 de la Convention internationale des droits de l’enfant, à savoir l’inconditionnalité de la protection de l’enfance. L’aide sociale à l’enfance (ASE) doit mettre à l’abri l’ensemble des mineur·es qui se présentent aux départements, en attente de la décision finale du juge pour enfants
- Supprimer la méthode des tests osseux pour déterminer l’âge des mineur·es non accompagné·es (MNA)
- Rendre obligatoire la présence d’un avocat pour l’ensemble des enfants en assistance éducative, pour informer correctement les mineur·es non accompagné·es lors de cette phase fondamentale dans l’établissement d’une situation administrative
- Renforcer le budget de l’aide sociale à l’enfance pour qu’elle puisse accompagner les mineur·es dans la démarche de demande de nationalité française
- Augmenter la capacité d’accueil et d’accompagnement des établissements et services du médico-social pour que les départements n’aient plus recours à des hébergements à l’hôtel pour les MNA. Les services de l’ASE doivent proposer un hébergement décent et adapté à l’âge et l’autonomie du ou de la jeune (hébergement collectif, placement en famille d’accueil, appartement en semi-autonomie)
- Recruter du personnel éducatif qualifié et proposer des formations appropriées aux problématiques des MNA
- Systématiser la prolongation des prises en charges de ces jeunes après 18 ans conformément à l’article L.221-1 du Code de l’action sociale et des familles, par la délivrance de contrats jeunes majeurs (CJM)
- Affecter directement et immédiatement les jeunes francophones dans les dispositifs classiques de l’Éducation nationale
- Augmenter le nombre d’unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A) pour les jeunes de moins de 16 ans et de Missions de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS) pour les plus de 16 ans
- Réaliser, dès la prise en charge des MNA par l’ASE, des examens de santé physique et psychique. Les mineur·es n’ont pas à justifier d’un titre de séjour pour être en situation régulière sur le territoire français, et l’ouverture de leur droit à l’assurance maladie ne saurait donc y être conditionnée. Ainsi, les MNA, sans distinction, seront affilié·es au régime général de l’assurance maladie et bénéficieront de la couverture maladie universelle complémentaire
Garantir le droit d’asile
Pour nombre de personnes dans le monde, la France est le pays des droits humains, une terre d’asile, avec un rayonnement culturel universel. Cependant, les politiques d’asile sont désormais remises en cause au nom de la limitation des flux migratoires, en France comme en Europe.
Nous proposons de garantir le droit d’asile via les mesures suivantes.
- Rompre avec les directives européennes, notamment le règlement de Dublin, et abroger les lois successives ayant eu pour objectif de restreindre le droit d’asile en France. Nous souhaitons la pleine garantie et le renforcement du droit d’asile et la suppression de la procédure accélérée
- Instaurer une procédure unique pour les demandes d’asile assurant pleinement le respect du droit d’asile et les droits fondamentaux
- Rattacher l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) au ministère des Affaires étrangères (et non au ministère de l’Intérieur) afin de rétablir un droit d’asile déconnecté des politiques migratoires et augmenter son budget de fonctionnement
- Autoriser les demandeur·ses d’asile à exercer un emploi pendant la période d’attente d’examen de leur dossier
- Augmenter le nombre de places en Centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA)
- Organiser la répartition des demandeur·ses d’asile sur l’ensemble de l’Hexagone
- Construire un programme pour l’aide au retour des réfugié·es qui le souhaitent lorsque la situation de leur pays de départ le permet
Permettre une citoyenneté pleine et entière
La France est une communauté politique et non une réalité ethnique. Dès lors, c’est l’existence d’un destin commun qui doit fonder l’accès à la nationalité. Pour cela nous proposons de :
- Rétablir le droit du sol pour les enfants nés en France, sous réserve de leur consentement
- Lancer un programme ambitieux de la maîtrise de la langue française écrite et parlée, intégrant la transmission des principes républicains et l’information sur l’ensemble des droits sociaux
- Modifier la Constitution pour reconnaître le droit de vote et d’éligibilité des résident·es extracommunautaires (hors UE) aux élections locales et européennes. La participation citoyenne des résident·es étranger·es aux élections locales, promise en France depuis 1981, serait un facteur de cohésion territoriale et d’égalité, sachant que le cadre européen actuel permet déjà aux résident·es communautaires de voter aux élections locales »
Détail du programme de Fabien Roussel (PCF)
« Une politique d’humanité sera mise en œuvre pour accueillir les populations migrantes
Les tests osseux seront interdits pour les mineur·e·s non accompagné·e·s qui seront protégé·e·s dans le respect de la Convention internationale des droits de l’enfant. Les travailleuses et travailleurs sans papiers en activité seront régularisés, car l’égalité de statut est une arme contre le travail clandestin et la mise en concurrence des salarié·e·s, tels que le pratiquent des employeurs. Le droit d’asile sera de nouveau garanti aux réfugié·e·s.
Un dispositif de prise en charge des mineur·e·s non accompagné·e·s sera créé
Il sera financé à la hauteur des nécessités, et il sera juridiquement contraignant pour les conseils départementaux pour ce qui relève de l’hébergement, comme de la création de postes de travailleuses et travailleurs sociaux.
Parce que les étranger·e·s doivent être soumis·e·s aux mêmes règles de droit que tout·e justiciable, les centres de rétention administrative (CRA), véritables lieux de détention, seront fermés comme les zones d’attentes dans les ports et les aéroports qui retiennent des personnes étrangères aux frontières. La détention préventive sera limitée notamment pour les délits et infractions relevant des tribunaux correctionnels. L’enfermement des jeunes de 13 à 16 ans sera supprimé et celui des 16 à 18 ans sera limité.
Le droit de vote des résident·e·s étranger·e·s aux élections locales et européennes sera instauré.
Des voies légales et sécurisées devront être ouvertes pour les migrant·e·s, en respect du droit international
Il ne sera plus accepté que des hommes, des femmes, des enfants fuyant la guerre, les dictatures ou les dérèglements climatiques soient traité·e·s avec inhumanité, voire qu’ils deviennent les otages des rivalités opposant les grandes puissances. La France, pour sa part, renforcera sa politique d’accueil des réfugié·e·s, elle accroîtra dans cet objectif les moyens de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), elle exigera de ses partenaires européens le respect de la Convention européenne des droits de l’Homme et de la Convention de Genève, dont le droit d’asile. Elle dénoncera les accords du Touquet et de Dublin, et exigera la redéfinition des missions de Frontex. La Convention internationale du 18 décembre 1990, sur la protection des droits de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, sera dans le même sens ratifiée par notre pays.«
Détail du programme de Philippe Poutou (NPA)
Source : https://poutou2022.org/node/348
« CONTRE LE RACISME D’ÉTAT ET L’ISLAMOPHOBIE
Le traitement inhumain des migrant·e·s en France, les contrôles au faciès, les violences policières et les discriminations, sont l’expression d’un racisme d’État structurel. Nous refusons que le débat politique soit polarisé par les questions d’immigration, contre de prétendus « ennemis intérieurs ».
- Abrogation de la loi « séparatisme » et des lois racistes et islamophobes
- Égalité totale entre français·es et étrangers·ères
- Régularisation de tou·te·s les sans-papiers
- Droit de vote des étrangers.ères résidant en France à toutes les élections
- Fin des contrôles au faciès
SOLIDARITÉ AVEC LES MIGRANT·E·S
La seule réponse efficace face à la tragédie que vivent les migrant·e·s est de s’unir pour satisfaire les besoins
sociaux de millions d’êtres humains migrant·e·s ou pas, ici et ailleurs.
- Liberté d’installation et de circulation
- Droit d’asile pour celles et ceux qui fuient la guerre et les persécutions
- Accueil digne pour tou·te·s les migrant·e·s, sans distinction entre les migrant·e·s dits « économiques » et les réfugié·e·s
Ouvrir les frontières, c’est permettre aux gens de migrer dans des conditions dignes et sûres. Chaque personne a le droit fondamental de jouir de tous les droits politiques et sociaux du pays où il ou elle réside.
SOLIDARITÉ AVEC LES PEUPLES DU MONDE ENTIER !
La dernière décennie a été marquée par une succession de soulèvements populaires contre les dégâts du capitalisme. Nous portons un projet internationaliste fondé sur la solidarité avec les opprimé·e·s du monde entier. Nous soutenons les luttes des peuples kurde et palestinien contre leurs oppresseurs, les Rohingya et les Ouïghours face aux régimes qui les persécutent, ainsi que toutes celles et ceux qui revendiquent le droit à l’autonomie, voire à l’indépendance, au Pays basque, en Catalogne ou en Irlande.
- Abolition de la dette des pays du Sud global, à commencer par l’ensemble des dettes illégitimes
- Fin des traités qui organisent le pillage des richesses à l’échelle internationale et détruisent les services publics
- Expropriation des multinationales qui vivent grassement de ce vol organisé
- Arrêt du soutien aux dictatures Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et de leurs richesses »
Détail du programme de Nathalie Arthaud (LO)
Suite à un message envoyé à Nathalie Arthaud, concernant son programme sur l’immigration, voici sa réponse :
« La position de Nathalie Arthaud : liberté de circulation pour les migrants
A l’opposé de l’orientation réactionnaire anti-migrant, pour ne pas dire raciste qu’a pris le début de la campagne présidentielle, je suis fière de dire « bienvenue » aux femmes et aux hommes forcés d’émigrer. Je suis l’une des rares candidates à considérer que les femmes et les hommes qui se massent à la frontière entre la Biélorussie et le Pologne ou ceux qui sont à Calais, qui essaient de traverser la Manche à leurs risques et périls font partie intégrante de mon camp, le camp des travailleurs.
Qu’ils soient présentés comme des menaces m’est insupportable. Comme nous, ces femmes et ces hommes avaient un toit, une famille, un métier. Ils étaient cuisiniers, maçons, ingénieurs, médecins…
Ils ont vu leur monde s’effondrer sous un déluge de bombes, ou sur le coup de la misère, et beaucoup d’entre eux se retrouveront demain à nos côtés…
Alors je me place du point de vue de ces travailleuses et ces travailleurs.
Quels sont leurs besoins ? C’est de pouvoir circuler, ces de pouvoir passer les frontières, c’est de s’installer là où ils ont choisi d’aller. Soit parce qu’ils parlent la langue du pays, soit parce qu’ils trouveront du soutien et qu’ils pensent pouvoir trouver du travail.
La liberté de circulation et d’installation fait partie des droits que l’on doit arracher pour tus les travailleurs.
Les frontières ne sont là que pour les plus pauvres, pour les travailleurs en réalité, parce que quand on a un portefeuille bien garni, quand on est millionnaire, passer une frontière c’est une formalité administrative. Les plus riches sont toujours accueillis à bras ouverts !
Jamais personne n’a traité un émir du Qatar, par exemple, de migrant, pour lui, les grands hôtels parisiens, les palaces, sont toujours ouverts.
Alors, il faut revendiquer la liberté d’installation et de » circulation et se préparer à accueillir ces femmes et ces hommes chassés de chez eux, les accueillir comme des frères et des sœurs, parce que la plupart travailleront demain avec nous, sur les lignes de découpes dans les abattoirs, sur les chantiers.
Ils seront nos frères et nos sœurs de souffrance, et si on sait nous adresser à eux, ils seront nos frères et nos sœurs de combat, et nul doute qu’avec leur expérience et leur courage, ils seront des forces précieuses.
C’est ma position de fond. Quant à un programme concret, je ne vais pas faire comme si je serai élue, et de toute façon je n’aspire pas à être aux manettes d’un système économique basé sur la concurrence, la crise, les guerres et le chaos qu’elles provoquent. Je suis pour un programme de luttes, pour arracher au pouvoir en place et à celui de demain, le droit de vivre et de travailler dans la dignité.
Pour toute ce qui concerne les conditions précises de vie des migrants dans le pays, lutte ouvrière apporte depuis des années son soutien aux revendications de la Cimade, au Gisti et de façon générale à toutes les associations de bénévoles qui s’opposent à la sauvagerie des pays riche, dont la France, vis-à-vis des migrants.
Lutte ouvrière participe aussi au travers d’une partie de ses militants à divers comités de sans papiers dont ceux de la CGT.
La campagne électorale officielle est loin d’être lancée puisque les candidats « officiels » ne sont pas encore connus. Il n’est pas étonnant que vos recherches n’aient pas donné de résultat en décembre dernier. Cela dit, depuis peu le site de Nathalie Arthaud est ouvert.
Voici le lien vers sa vidéo concernant les migrants ainsi que vers la vidéo de notre camarade qui intervient à Calais :
https://www.nathalie-arthaud.info/liberte-de-circulation-194168.html
Bien cordialement,
Nathalie Arthaud »
Détail du programme d’Emmanuel Macron (LREM)
Source : https://avecvous.fr/projet-presidentiel
« Mieux maîtriser l’immigration
– Aller au bout de la réforme de Schengen pour renforcer nos frontières européennes.
– Créer une « force des frontières » pour renforcer nos frontières nationales.
– Poursuivre la refonte de l’organisation de l’asile et du droit au séjour pour décider beaucoup plus rapidement qui est éligible et expulser plus efficacement ceux qui ne le sont pas.
Droits et devoirs de l’intégration
– Titres de long séjour seulement pour ceux qui réussissent un examen de français et s’insèrent professionnellement.
– Expulsion des étrangers qui troublent l’ordre public.
– Accueil facilité des combattantes et combattants de la liberté. »
Source : https://youtu.be/MoL-p7dxGao?t=5135
« Le deuxième axe de ce pacte républicain c’est la meilleure maîtrise de nos frontières.
Là aussi à plusieurs égards c’est la poursuite de réformes, d’engagements, d’ambitions portées récemment pour l’Europe. La réforme de schengen, présentée il ya quelques semaines à Tourcoing, qui faisait partie de l’engagement défendu dès le discours de la sorbonne en 2017. Le réinvestissement dans son texte et pour ce qui est de la France l’investissement dans des forces spécifiques de protection de nos frontières qui permettront et qui sont prévues et budgétées dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, de renforcer le contrôle de nos frontières, sachant que nous avons d’ores et déjà, durant le quinquennat, plus que doublé nos forces présentes, avec des résultats de protection de nos frontières espagnoles et italiennes, tangibles et mesurées, fois deux et fois trois. Pour mieux maîtriser l’immigration nous compléterons ces décisions prises au niveau européen et français par plusieurs points.
En premier : la refonte de l’organisation de l’asile et du droit de séjour, avec notamment la mise en place de procédures d’éloignement plus rapides et effectives et en particulier avec un système qui fera que le refus d’asile vaudra obligation de quitter le territoire français. Là où aujourd’hui la multiplication des procédures et des voies de recours créé l’inefficacité de notre système et donc nous avons conduit durant le quinquennat une première réforme qui a consisté à réduire les délais administratifs et d’instruction par l’OFPRA, nous devons maintenant réduire la lourdeur des procédures qui aujourd’hui ont réduit l’efficacité de nos procédures d’éloignement. Nous réduirons aussi l’empilement des contentieux par la fusion des procédures et je souhaite aussi pouvoir poursuivre ce qui a été commencé durant les 18 derniers mois, c’est-à-dire de conditionner l’efficacité de la réponse en termes de laisser-passer consulaire à notre politique de visas. Si un état décide de ne pas coopérer avec une politique de retour de celles et ceux à qui on octroie pas des titres de séjour ou l’asile, alors c’est un état à l’égard duquel nous aurons une politique de réduction de suppression de nos visas. Je pense que c’est une politique logique, normale, que j’ai assumé que je continuerai d’assumer.
3e élément : la refonte du modèle d’intégration républicaine. En effet protéger mieux nos frontières est indispensable, lutter contre l’immigration clandestine, mais à côté de ça il nous faut aussi regarder en face nos faiblesses et voir que nous pouvons, nous devons, améliorer notre chemin d’intégration républicaine et je le dis dans un moment où notre pays à a faire face et aura à faire face à des arrivées importantes de femmes et d’hommes qui fuient l’ukraine, et nous savons que pour notre Europe c’est un des plus grands défis des dernières décennies. Face à cela je souhaite que nous puissions renforcer les moyens et les investissements sur, justement, les cours de langue. Nous avons renforcé durant les trois dernières années, nous devons poursuivre ce travail. Mais l’intégration par la langue, le travail, et la meilleure répartition géographique sur le territoire est indispensable. C’est ce que nous sommes en train de faire et ce que j’ai demandé très concrètement ces derniers jours de faire pour l’accueil des familles ukrainienne qui arrivent sur notre sol. De la même manière ce sont des devoirs et des droits et donc nous transformerons et nous changerons aussi les modes d’accès aux titre de séjour, d’abord en faisant de manière régulière un bilan et en ne renouvelant pas les titres de séjour et en expulsant les étrangers ou les personnes détenant des titres provisoires qui troublent l’ordre public. Nous avons commencé à le faire, comme vous le savez, c’était les chiffres et les engagements pris par le ministre de l’intérieur avec des résultats dont il a rendu compte et qui sont tangibles. On continuera cette politique, je pense qu’elle est de bon ordre, et les titres de séjours longs seront conditionnés non plus simplement à des des objectifs de moyens, c’est à dire tant d’heures de français ou juste des démarches, mais un examen de français et à une vraie démarche d’insertion professionnelle pour tous titre de 4 ans ou plus. Donc la carte de séjour pluriannuels sera donnée dans des conditions beaucoup plus restrictive mais qui renforcent aussi la solidité de l’intégration au pacte national de celles et ceux qui souhaitent rester sur notre sol. »
Détail du programme de Valérie Pécresse (LR)
Source : https://www.valeriepecresse.fr/mes-propositions/sur-l-immigration/
« Stopper l’immigration
- Loi constitutionnelle pour instaurer une immigration choisie avec des quotas par métiers et par pays.
- Pousser les États qui aujourd’hui refusent de délivrer des laissez-passer consulaires pour le retour de leurs ressortissants clandestins vivant en France à le faire en dénonçant, après un délai de 6 mois, les accords bilatéraux en matière d’immigration qui lient la France à ces pays et en suspendant la délivrance de visas d’entrée.
- Reprendre immédiatement l’affrètement des avions charters d’éloignement avec le soutien de l’agence européenne Frontex qui assure à la fois le financement et l’escorte. Sur le seul premier semestre 2021, l’Allemagne y a eu 4 fois plus recours que la France.
- Revoir les procédures d’asile en obligeant à ce que les demandes d’asile soient déposées dans les ambassades françaises ou à la frontière tout en généralisant la procédure d’asile accélérée : si le demandeur d’asile est débouté après deux mois, il repart et ne rentre pas dans le pays.
- Présumer majeur tout « mineur non accompagné » qui refuse un test osseux.
- Renforcer et contrôler les conditions du regroupement familial. Augmentation des conditions de revenu et pas de prestations sociales avant 5 ans.
- Supprimer les aides sociales aux clandestins (demi-tarif dans les transports par exemple), et recentrer l’aide médicale d’État sur la médecine urgente.
- Réviser la directive « retour » en profitant en 2022 de la présidence française de l’Union européenne, pour obliger les immigrés entrés irrégulièrement sur le territoire européen à être reconduits à la frontière alors qu’ils disposent actuellement de plusieurs semaines pour quitter librement l’espace Schengen.
- Placer tous les demandeurs d’asile dans des centres dédiés pendant l’instruction accélérée de leur demande afin qu’ils puissent être facilement éloignés s’ils sont déboutés.
- Interdire à un étranger de multiplier les demandes successives de titre de séjour pour des motifs différents, ce qui lui permet de rester beaucoup plus longtemps sur notre territoire.
- Expulser du territoire tout clandestin représentant une menace grave à moins qu’il ne soit poursuivi en justice.
Renforcer l’intégration
- Lier l’obtention de la carte de séjour à la maîtrise du français : 600 h de cours avec examen obligatoire.
- Mettre fin au séparatisme urbain, avec une stratégie de peuplement pour éradiquer en dix ans les ghettos, avec pas plus de 30% de logements sociaux par quartier.
- Il faut fixer un plafond de non francophones par classe, pour garantir la qualité́ des apprentissages. »
Détail du programme de Marine Le Pen (RN)
Source : https://mlafrance.fr/pdfs/projet-controle-de-limmigration.pdf
Marine Le Pen propose une réforme de la Constitution et un projet de loi.
« Le premier titre du projet porte sur la maîtrise de l’immigration et le statut des étrangers en France.
La modification de la Constitution proposée aux Français a pour conséquence que la loi pourra intégrer des dispositions qu’il était jusqu’alors impossible à faire figurer dans notre droit, ou si elles existaient, n’étaient pas appliquées : en matière de maîtrise de l’entrée des étrangers sur le territoire national ; d’éloignement effectif des étrangers en situation irrégulière ou présentant un risque pour l’ordre public ou condamnés ; de répression des entrées illégales sur le territoire national et des aides qui sont apportées aux étrangers en infraction avec le droit français.
Les principales dispositions du projet de loi référendaire en matière d’immigration et de statut des étrangers sont les suivantes :
- Les principes qui guideront la politique en matière d’immigration et de droit d’asile seront fixés par la loi, alors que jusqu’à présent ils ne le sont que par des circulaires.
- Seront levés tous les obstacles limitant ou interdisant l’éloignement des étrangers condamnés pour des crimes ou des délits graves ou de ceux qui font peser un risque sur l’ordre public ou portent atteinte à l’ordre public. Le fait qu’ils puissent se maintenir sur le sol national, par toutes sortes d’artifices, de recours abusifs ou au mépris de décisions administratives ou judiciaires constitue une grave anomalie et contribue au délitement de l’autorité de l’État. Le Parlement déterminera les cas de figure permettant leur expulsion du territoire. Les critères de « nécessité » ou de « proportionnalité » appréciés par le juge lorsqu’il examine une décision d’expulsion n’auront plus lieu d’être.
- Le fait d’entrer ou de se main-tenir illégalement sur le territoire redeviendra un délit. La loi de 2018 « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie » a en effet abrogé ce délit, allant bien au-delà de la jurisprudence de 2016 de la Cour de Justice de l’Union européenne qui ne s’opposait qu’à l’emprisonnement d’un étranger en situation irrégulière. Cette pénalisation permettra à nouveau le contrôle des fonctionnaires au travers de l’article 40.
- La régularisation d’un étranger en situation irrégulière ne sera pas possible, sauf dans des cas exceptionnels. Seules pourront être prises des décisions individuelles, et non plus des régularisations en masse. La décision sera prise en Conseil des ministres, pour un motif supérieur d’intérêt national ou quand l’intéressé a rendu des services éminents à la France.
- La loi permettra d’instaurer la priorité nationale dans certains domaines, notamment pour l’accès à l’emploi et au logement.
- Le regroupement familial sera encadré par la loi. Il pourra être interdit ou limité selon des critères stricts.
- Les prestations de solidarité qui ne relèvent pas d’un régime d’assurance seront soit réservées aux Français, soit soumises à des conditions fixées par loi, notamment en termes de durée de travail. Il faudra avoir travaillé durant cinq années en France pour pouvoir prétendre au bénéfice de ces prestations. Les allocations familiales, qui relèvent exclusivement de la solidarité nationale, seront réservées aux Français. La présence des étrangers sur le territoire ne doit plus constituer une charge déraisonnable pour les finances publiques et le système de protection sociale. La suppression ou la mise sous condition de certaines prestations sociales au profit des étrangers limitera en outre l’attractivité de la France pour les étrangers.
- La loi permettra de poursuivre et de condamner les personnes qui apportent une aide directe ou indirecte aux étrangers qui tentent d’entrer illégalement sur le territoire ou de s’y maintenir.
- Le droit d’asile sera modifié pour mettre fin à son détournement. Depuis de longues années, la procédure du droit d’asile est devenue une des voies principales de l’immigration illégale puisque l’immense majorité des demandeurs sont déboutés, mais demeurent en France. Les modalités de présentation d’une demande d’asile seront fixées par la loi. Elle pourra instaurer l’obligation de les déposer dans les services des ambassades et consulats français à l’étranger.
- Seules les personnes qui, en raison des réelles persécutions ou craintes de persécutions de nature à menacer gravement leur vie ou leur liberté, seront admises au bénéfice du droit d’asile. La loi pourra n’autoriser la venue en France que des seules personnes qui ont obtenu le statut de réfugié et non des personnes dans l’attente d’une décision. La loi pourra également déterminer les devoirs que les réfugiés ont envers la France. Enfin, la situation des réfugiés sera réexaminée périodiquement, les éventuelles évolutions politiques du pays dont ils ont la nationalité pouvant conduire à remettre en cause le bien-fondé du statut de réfugié qui leur a été octroyé.
- Les engagements internatio-naux de la France en matière de libre circulation des personnes seront subordonnés à la sauvegarde des intérêts nationaux en matière de sécurité intérieure et extérieure, de protection de l’ordre public et de sauvegarde de l’identité française. Les frontières redeviendront ainsi un lieu de contrôle effectif des entrées et des sorties du territoire national.
- Les accords de Schengen, devenus inapplicables depuis la crise migratoire qui a frappé l’Europe en 2015 et qui ne sont plus appliqués depuis la survenance de la pandémie, car incompatibles avec les intérêts des États, devront être renégociés avec pour ambition de substituer à l’absence de tout contrôle aux frontières des procédures de franchissement simplifié pour les citoyens des États de l’Union européenne.
- Le droit du sol sera supprimé. Le droit du sol a pour conséquence que l’acquisition de la nationalité française est automatique à 18 ans pour une personne née en France de parents étrangers eux-mêmes nés à l’étranger. Aucune condition n’y est mise, aucun amour pour la patrie n’a besoin d’être manifesté. Il n’est pas acceptable de devenir Français dans ces conditions. L’acquisition de la nationalité française est même acquise dès la naissance pour un enfant né en France d’un parent étranger lui-même né en France. Pour un étranger, acquérir la nationalité française doit être un choix motivé. Pour la France, donner la nationalité à un étranger ne doit être possible que si la personne qui le demande apporte des garanties en matière d’assimilation, de maîtrise de la langue, de respect de nos lois et de nos mœurs.
- La transmission de la nationalité française ne sera, pour l’essentiel, possible que par filiation. Ne peuvent être françaises que les personnes dont l’un des parents est Français.
- Il sera mis fin à l’acquisition automatique de la nationalité par le mariage.
- La naturalisation sera encadrée par des conditions très strictes et devra faire l’objet d’une demande motivée des intéressés.
- Si la Constitution, après sa modification par référendum, fixera des conditions nouvelles d’accès à la nationalité française, elle définira également les circonstances qui pourront conduire à son retrait ou à sa déchéance. Sur la base de ces principes, la loi en fixera les conditions : en cas de commission d’un acte incompatible avec la qualité de Français ou préjudiciable aux intérêts de la Nation. »
Détail du programme d’Eric Zemmour (REC)
Source : https://programme.zemmour2022.fr/immigration
« JE STOPPERAI LES FLUX MIGRATOIRES
- Supprimer le droit au regroupement familial et tous les droits automatiques liés à l’immigration familiale
- Revenir à l’esprit originel du droit d’asile en le limitant à une centaine d’individus chaque année (contre près de 140000 aujourd’hui) et exiger que les demandes d’asile soient déposées en dehors du territoire national, dans nos consulats, pour éviter l’installation des déboutés qui ne repartent jamais
- Sélectionner au mérite les étudiants étrangers, en n’accueillant que les profils les plus prometteurs dans les filières utiles pour notre pays
- Instaurer une caution obligatoire de 10 000 euros pour l’obtention d’un visa pour les étrangers provenant de pays dont sont majoritairement issus les immigrés clandestins afin de limiter les entrées et de financer les éventuelles reconduites à la frontière
- Dénoncer les accords bilatéraux facilitant l’immigration, en particulier l’accord franco-algérien de 1968, pour mettre un terme aux privilèges migratoires
- Créer une garde-frontières à statut militaire pour épauler la police aux frontières du pays
- Combattre les passeurs en étendant la définition pénale de la traite des êtres humains afin de punir sévèrement ceux qui encouragent le passage de clandestins
- Financer des campagnes d’information dans les pays d’origine visant à décourager les départs
- Retirer la signature de la France au Pacte de Marrakech de l’ONU qui favorise les migrations internationales
JE SUPPRIMERAI LES DISPOSITIFS QUI ATTIRENT L’IMMIGRATION
- Supprimer les aides sociales non-contributives (allocations familiales, aides au logement, RSA, minimum vieillesse.) pour les étrangers extra-européens
- Mettre fin au renouvellement quasi-systématique des titres de séjour afin de pouvoir évaluer de manière régulière la pertinence de la présence de chaque étranger sur le sol français
- Supprimer les soins gratuits pour les étrangers clandestins (Aide Médicale de l’État) pour ne conserver qu’une aide médicale d’urgence
- Interdire définitivement la régularisation de tout étranger entré illégalement sur le territoire français
- Supprimer le droit du sol, ainsi un enfant dont les deux parents sont étrangers ne pourra devenir français qu’après naturalisation, sans aucune automaticité
- Durcir les conditions de naturalisation, en augmentant la durée minimale de résidence en France de 5 à 10 ans, en exigeant une parfaite maîtrise de la langue, une assimilation réelle et vérifiable ainsi qu’une absence totale de condamnation judiciaire
JE GARANTIRAI L’ÉLOIGNEMENT DES ÉTRANGERS INDÉSIRABLES
- Pour les étrangers clandestins, réinstaurer le délit de séjour irrégulier supprimé en 2012 afin de pouvoir juridiquement sanctionner et renvoyer dans leur pays tout étranger entré illégalement sur le territoire
- Expulser systématiquement tous les délinquants étrangers dès leur condamnation et les criminels à l’issue de leur peine
- Expulser systématiquement tous les fichés S étrangers, trop souvent impliqués dans les attentats terroristes qui ont endeuillé notre pays
- Expulser les étrangers au chômage au terme d’un délai de six mois de recherche d’emploi infructueuse
- Fixer le principe d’un retour des réfugiés ayant bénéficié du droit d’asile dans les pays redevenus sürs
- Mettre fin au dispositif des « mineurs étrangers isolés » et rendre ces enfants à leurs familles
- Rétablir l’usage des charters collectifs pour opérer les éloignements
- Créer un ministère de l’Immigration et de l’éloignement doté de tous les moyens matériels nécessaires, notamment des avions, pour mettre en œuvre cette nouvelle politique migratoire
Détail du programme de Nicolas Dupont-aignan (DLF)
Source : https://2022nda.fr/wp-content/uploads/2022/01/100-Decisions-pour-la-France_VFIN.pdf
« MAÎTRISER L’IMMIGRATION ET GARANTIR LA COHÉSION SOCIALE
- Rétablissement du contrôle aux frontières par la fin des accords de Schengen.
- Expulsion des délinquants étrangers à l’issue de leur peine.
- Application de l’article 411-4 du Code Pénal qui punit de 30 ans de prison les djihadistes de retour de Syrie et déchéance de nationalité pour les binationaux condamnés pour terrorisme.
- Réforme du droit d’asile en limitant le droit d’asile aux individus le demandant aux frontières, en assignant à résidence les demandeurs d’asile par la suite et en éloignant immédiatement les déboutés du droit d’asile en cas de refus.
- Suppression du droit du sol et obtention de la nationalité par un processus de naturalisation exigeant
- Délai de carence de 5 ans pour les étrangers pour recevoir des aides sociales et remplacement de toutes les cartes vitales par des cartes vitales biométriques distribuées en main propre en sous-préfecture pour mettre fin aux fraudes.«
Détail du programme de Jean Lassalle (R)
Source : https://jl2022.fr/wp-content/uploads/2022/03/Programme-A4-V5-25_02_22.pdf
« Renforcer les effectifs des douanes et les forces frontière où se concentre l’immigration illégale. Respecter le droit d’asile, droit fondamental. »
Schéma national d’accueil des demandeurs d’asile : un ré-équilibrage justifié mais une méthode qui pose question
Le 18 décembre a été publié le « Schéma national des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés« , par le Ministère de l’intérieur.
Ce document détaille le programme d’évolution des dispositifs d’hébergement des demandeurs d’asile, sur les 3 prochaines années.
L’objectif annoncé par le gouvernement est de mieux répartir les demandeurs d’asile, afin de réduire le déséquilibre actuel dans la prise en charge au sein de la métroploe. Cet objectif est, à première vue, positif, mais les moyens proposés pour y arriver soulève beaucoup de questions.
UN BILAN INCOMPLET DES CARENCES
Comme le rapport l’indique, la moitié seulement des demandeurs d’asile accède à un hébergement le temps de la procédure, et ce pourcentage varie selon les régions.
Cette insuffisance est reconnue par le gouvernement, mais ce dernier occulte une conséquence catastrophique de cette carence : l’accès à une protection est très inégalitaire au sein de l’exagone.
Chaque année le rapport annuel de l’OFPRA détaille, par département, le nombre de demandes d’asile étudiées et le nombre de protection accordée par l’OFPRA et la CNDA.
Comme le montre le tableau ci-dessous, le taux d’obtention d’une protection varie du simple au quintuple !

Le département le plus bas, la Moselle, présente un taux de 14,2% alors que l’Orne monte à 72,8% ! Pourtant toutes les demandes d’asile sont étudiées lors d’un entretien à l’OFRA, à Fontenay-Sous-Bois, ou la CNDA à Montreuil.
Ces inégalités peuvent s’expliquer pour certains départements de la région Grand-Est, ou sont sur-représentés les demandeurs d’asile venant des pays de l’Est, ayant un taux d’accord très bas.
Pour toutes les autres régions, ces inégalités peuvent paraître injustifiées mais s’expliquent en étudiant les disparités dans la prise en charge.
Le tableau régional ci-dessous recoupe différents critères : le pourcentage d’obtention d’une protection, le ratio entre le nombre de places d’hébergement et le nombre de demandeurs d’asile par milliers d’habitants.

Il met en évidence le fait que plus les demandeurs d’asile ont potentiellement accès à un hébergement, donc à un accompagnement par des travailleurs sociaux, plus ils ont de chances d’accéder à une protection.
DES MOYENS INSUFFISANTS
Partant de ce constat, l’objectif d’un ré-équilibrage est positif mais les moyens déployés semblent trop insuffisants pour espérer une amélioration concrète et équitable.
Le plus grand risque est que les conditions d’accueil en Ile-de-France ne s’améliorent que très peu et que les conditions d’accueil en région se détériorent, tant le nombre de places créées est insuffisant ou insuffisament préparés.
Preuve en est que les orientations régionales depuis l’Ile-de-France vont commencer dès Janvier 2021, alors que les appels à projet pour ouvrir les centres nécessaires ne prévoient une ouverture qu’à partir du 15 mars !
En Bretagne par exemple, ou les centres d’accueils sont déjà tous pleins et ou une bonne partie des demandeurs d’asile n’obtiennent pas d’hébergement, le « SNADAR » prévoit d’y rediriger 93 personnes par mois en plus… puis 122 personnes par mois au second trimestre. Soit 645 demandeurs d’asiles supplémentaires sur le premier semestre, alors que n’est prévu l’ouverture que de 250 places perennes supplémentaires sur l’année et seulement à partir du mois de mars.
Les objectifs semblent donc dès le départ inatteignables.

UNE VIGILANCE INDISPENSABLE DES CONSÉQUENCES DE CE « DUBLINAGE » NATIONAL
Un autre risque potentiel de cette évolution sera une précarisation des demandeurs d’asile. En effet, le principe retenu par le gouvernement est que lorsqu’un demandeur d’asile dépose une demande d’asile dans une région dites « excédentaire », c’est-à-dire actuellement l’Ile-de-France, il lui sera « proposé » d’aller continuer sa procédure dans une autre région considérée comme « déficitaire ». La proposition n’en est en fait pas une, vu que si le demandeur d’asile refuse cette orientation elle perdra alors les « conditions matérielles d’accueil », c’est à dire l’allocation de demande d’asile (210€/mois pour une personne seule hébergée, 420€/mois si elle n’est pas hébergée).
Si elle refuse elle se retrouvera à la rue et sans aucune ressources.
La France s’apprête donc à mettre en place une sorte de « procédure Dublin nationale », visant à imposer au demandeur la région ou il résidera le temps de sa procédure.
Même si les critères d’orientation sont moins incohérents que le règlement Dublin européen, il est à craindre qu’une partie des demandeurs risque de refuser cette orientation et préférer la précarité plutôt que de se voir imposer un transfert dans une autre région. La raison est assez simple : quand un demandeur dépose une demande dans une région, il le fait généralement pour des raisons objectives : parce qu’il y connait des personnes, donc des facilités d’intégration.
La règlement Dublin a démontré son ineficacité et ses effets pervers (une effectivité de 15% pour un gaspillage estimé par le centre de recherche européen à entre 2,4 et 4,9 milliards d’euros/an). Tous les pays européens s’accordent sur ses effets pervers et une nécessaire remise en cause de son fonctionnement.
Il est donc légitime de s’inquiéter de voir la France adapter nationalement un fonctionnement européen inefficace et coûteux.
Il faut espérer que les bilans réguliers prévus par le gouvernement seront faits de manière objective et que les acteurs associatifs de terrain y seront associés.
Pacte européen sur la migration et l’asile COMPRENDRE & AGIR

Le cadre juridique
L’entrée et le séjour des étrangers extra-européens est encadré par une multitude de textes, plus ou moins contraignants (Directives, Règlements…), qui sont censés respecter eux-mêmes des traités internationaux comme la Déclaration Universelle des droits de l’Homme, la convention de Genève relative aux réfugiés, la Convention Internationale des droits de l’enfants, etc.
Ces textes européens sont ensuite transposés dans le droit de chaque pays de l’UE, qu’on désigne comme des « États-membre ». Les pays hors UE sont désignés comme étant des « pays tiers ».
En France, le texte juridique qui encadre l’accueil des étrangers est le CESEDA (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et demandeurs d’asile).
Nous avons une particularité : certains droits fondamentaux, notamment de la DUDH, ont été inclus dans notre constitution, nos lois sont donc censées respecter ces principes.
Les traités internationaux ne sont pas amenés à évoluer, en tout cas pas pour l’instant. Les textes juridiques européens et nationaux, par contre, évoluent régulièrement. Le CESEDA, en France, est réformé quasiment à chaque changement de gouvernement, voire plus. Les règlements européens sont plus difficiles à faire évoluer, devant être approuvés par tous les États-membres.
Ces évolutions, sauf exception, vont toujours dans un sens plus restrictif et dissuasif.
En résumé la politique migratoire de l’Europe à consiste à empêcher les habitants des pays pauvres à venir dans les pays riches, au moyen de règlements de plus en plus contraignants, respectant de moins en moins les traités internationaux garants des droits fondamentaux… tout en prétendant faire le contraire.
Le pacte européen sur l’asile et l’immigration
Le « pacte européen sur l’asile et l’immigration » est une proposition de réforme globale de la politique d’immigration européenne, qui a été proposée par la Commission européenne le 23 septembre 2020.
Les médias en ont beaucoup parlé, avec des raccourcis trompeurs. On a pu lire des gros titres annonçant la fin du règlement Dublin, par exemple. Ça n’est hélas pas du tout le cas et il faut bien avoir en tête qu’à ce stade rien n’a bougé et ne bougera pas avant un moment.
Pour bien comprendre il faut avoir en tête le fonctionnement des institutions européennes principales, qui sont notamment le Conseil européen, la Commission européenne, le Parlement et le Conseil de l’UE.
Les institutions européennes
Le Conseil européen, constitué des chefs d’état et de gouvernement, fixe les grandes orientations.
En dessous se trouve la Commission Européenne, constitué d’un commissaire européen par État-membre et dont le rôle est de faire des propositions de loi.
Ces propositions sont étudiées par le Parlement européen, constitué de 705 députés européens élus dans chaque État-membre (79 pour la France). Le rôle du Parlement : débattre, amender et voter les propositions de loi de la Commission.
Au même niveau se trouve le Conseil de l’UE (ne pas confondre avec le Conseil européen). Le CUE est constitué des ministres des États-membres. Son rôle est lui aussi d’amender et voter les propositions de loi de la Commission.
Les propositions de la Commission font l’objet de plusieurs lectures et doivent être adoptés conjointement par le PE et le CUE (un peu comme le Parlement et le Sénat en France).
La procédure engagée par la Commission est ce qu’on appelle une « procédure législative ordinaire ». Nous n’en sommes donc qu’au stade de la proposition, qui va donc devoir être étudiée, amendée par les députés européens, puis par le conseil de l’UE, jusqu’à arriver à un hypothétique consensus et peut-être une adoption, au mieux en 2022, même si les différentes instances font tout pour aller le plus vite possible.
Il s’agit d’une proposition de « réforme », donc d’évolution des règlements. Il a été dit, abusivement, que la commission voulait supprimer le règlement Dublin. Non, ils proposent que le règlement Dublin soit durci, globalement encore plus restrictif mais il n’existerait plus en tant que tel, il sera intégré dans un texte plus global intitulé « gestion de l’asile.
Le fonctionnement actuel
Le règlement défini des critères hiérarchiques qui permettent de déterminer quel pays européen est responsable de la demande d’asile. L’étranger qui demande une protection n’a pas le droit de choisir le pays ou déposer sa demande.
En simplifiant le fonctionnement est le suivant : quand un étranger extra-européen dépose une demande d’asile dans un État-membre, ce dernier vérifie plusieurs critères, dans l’ordre :
- Si un demandeur d’asile a un enfant mineur ou un(e) conjoint(e) dans un pays européen, il pourra déposer sa demande dans ce pays.
- S’il a déjà déposé une demande dans un précédent pays, qu’elle soit en cours ou déjà refusée, c’est ce précédent pays qui sera responsable de sa demande.
- S’il a fait une demande de visa pour un pays européen, ce sera ce pays qui sera responsable, même s’il n’y est jamais allé.
- S’il n’est dans aucune de ces situations, il devra déposer sa demande dans le premier pays européen par où il est entré. Cette responsabilité cesse après un délai d’un an.
Ce règlement n’est pas obligatoire : il existe un article, l’article 17, qui précise que chaque État-membre peut décider de ne pas appliquer le règlement Dublin. Il peut le faire pour rapprocher tout parent, pour des raisons humanitaires fondées, motifs familiaux ou culturels. C’est une clause discrétionnaire, donc pas obligatoire… donc les préfets, sous consigne des gouvernements, ne l’appliquent quasiment jamais. Pour être plus précis, la France ne l’applique dans seulement 0,5% des cas, généralement sous la contrainte d’un tribunal administratif.
Le seul moyen d’échapper au règlement Dublin, aujourd’hui, est d’attendre l’expiration des délais : au bout de 18 mois Dublin « expire », devient caduque et la personne peut déposer sa demande d’asile. 18 mois pendant lesquels il n’a droit à aucune aide. Le règlement Dublin plonge donc des milliers d’étrangers dans la clandestinité et la précarité avant de pouvoir accéder au droit fondamental du dépôt d’une demande d’asile. 1/3 des demandes d’asile déposées en France, donc près de 40 000, sont des procédures Dublin expirées.
QUE PROPOSE LA COMMISSION EUROPEENNE DANS SON PACTE ?
Il est difficile à ce stade d’avoir une idée précise de toutes les mesures préconisées par la Commission, étant constituée d’une douzaine de documents cumulant plus de 600 pages. Les mesures principales sont connues mais seule une étude détaillée de tous les articles permettra d’en saisir toutes les répercussions.
Les grandes mesures connues :
Procédure de contrôle
Tout étranger ayant franchi une frontière de manière non autorisée sera obligé d’accepter une procédure de contrôle, aussi appelé « inspection/filtrage ». Celle-ci devrait s’effectuer dans une « structure » à la frontière, sur un délai de 5 jours pendant lequel l’étranger aura l’obligation de rester dans le bâtiment dédié. Il est difficile de ne pas y voir la mise en place de centre de rétention administrative aux frontières.
Pendant ces 5 jours seront effectués l’identification de la personne, des contrôles sanitaires et de sécurité, le relevé des empreintes et leur enregistrement. La personne sera ensuite « orientée » soit vers une procédure de demande d’asile soit une procédure de reconduite dans un pays tiers ou pays d’origine. Les personnes qui ne solliciteront pas une procédure d’asile seront reconduites à la frontière, ce qui exclut toute possibilité de déposer une demande de titre de séjour. Pendant cette procédure de filtrage, les personnes seraient considérées comme n’étant pas encore entrées sur le territoire européen, ce qui pose de vraies questions sur le respect des conventions internationales dans ces zones.
Procédure frontalière accélérée
Si la personne est originaire d’un pays tiers dont le taux d’accord d’une protection est inférieur à 20%, à l’échelle européenne et sur l’année écoulée, elle sera orientée vers une « procédure frontalière accélérée », qui se déroulera dans un délai de 12 semaines.
Plus de la moitié des demandeurs d’asile seraient concernées et seraient donc placés en procédure frontalière accélérée les ressortissants des pays suivants : Géorgie, Albanie, Bangladesh, Sénégal, Maroc, Ukraine, Pakistan, Nigéria, Mali, Guinée et Côte d’Ivoire.
Procédure normale
Si la personne n’est pas en procédure frontalière accélérée, elle est donc en procédure « normale » et il va être déterminé quel est le pays responsable de la demande, comme dans le règlement Dublin actuel, avec juste quelques différences (en gras ci-dessous).
- Si un demandeur d’asile a un enfant mineur ou un(e) conjoint(e) ou un frère ou une sœur dans un pays européen, il pourra déposer sa demande dans ce pays.
- S’il a déjà déposé une demande dans un précédent pays, qu’elle soit en cours ou déjà refusée, c’est ce précédent pays qui sera responsable de sa demande.
- Si la personne est en possession d’un diplôme universitaire dans un des États-membre, c’est cet État-membre qui est responsable de la demande.
- S’il a fait une demande de visa pour un pays européen, ce sera ce pays qui sera responsable, même s’il n’y est jamais allé.
- S’il n’est dans aucune de ces situations, il devra déposer sa demande dans le premier pays européen par où il est entré. Cette responsabilité cesse après un délai de 3 ans.
Les seules différences entre le règlement Dublin actuel et la nouvelle proposition sont :
- L’élargissement des critères familiaux aux frères et au sœurs, ce qui constitue un point positif
- Un nouveau critère de possession d’un diplôme, positif mais probablement très rare
- La durée de responsabilité du pays de première entrée qui passe de 1 an à 3 an : point négatif
Mécanisme de solidarité
La Commission propose la mise en place d’un « mécanisme de solidarité », obligatoire pour les États-membre mais flexible dans la forme. Les États-membres devront choisir entre 3 options :
- Accepter d’accueillir des demandeurs d’asile éligibles dans leur pays
- Participer à un nouveau principe de « parrainage des retours », qui consiste à financer et organiser l’expulsion des étrangers que l’Union Européenne considère comme n’étant pas éligible à une protection, vers leur pays d’origine ou un pays tiers.
- Soutenir financièrement et opérationnellement le pays d’entrée pour les procédures d’accueil
Gestion de crise
Du fait du renforcement des contrôles aux frontières extérieures, les pays frontaliers vont mécaniquement faire face à un afflux massif de demandes. La Commission européenne propose donc de mettre en place un règlement spécifique pour faire face aux situations de crise (texte 613). Cette « procédure de gestion de crise » pourra être enclenché à la demande d’un État-membre et comporte plusieurs mesures.
- Les États-membres pourraient suspendre l’enregistrement des demandes d’asile pendant 1 mois (ce qui constitue une violation du droit international)
- La procédure frontalière accélérée est étendue aux personnes originaires d’un pays tiers dont le taux d’accord d’une protection est inférieur à 75%, à l’échelle européenne et sur l’année écoulée. En 2019 seulement 3 pays dépassaient ce taux : l’Érythrée, la Syrie et le Venezuela.
Toutes ces mesures constituent un recul flagrant du droit des étrangers. L’objectivité oblige à reconnaître qu’il semble quasiment impossible aujourd’hui de définir une politique migratoire européenne qui convienne aux 27 États-membre, mais ceci n’explique aucunement l’hypocrisie flagrante de la communication autour de cette proposition.
La proposition de la commission comporte notamment 5 propositions de règlements :
610 – Gestion des migrations (intégrant l’actuel règlement Dublin)
611 – Procédure d’asile
612 – Procédure de contrôle aux frontières
613 – Crise et cas de force majeur
614 – Eurodac
Ces 5 textes vont être examinés dans le cadre d’une « procédure législative ordinaire ».
Le détail des étapes de cette procédure est consultable ici.
Un projet de rapport va être rédigé par une commission du Parlement Européen, la commission LIBE (Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures). Les députés de cette même commission vont proposer des amendements, qui seront ensuite votés au sein de cette même commission afin d’arriver à un compromis qui constituera une version finale de la proposition du Parlement.
Le Conseil de l’Union Européenne va suivre une procédure identique. Ces 2 institutions entameront ensuite des négociations avec la Commission Européenne dans l’objectif d’aboutir à un texte définir et à son adoption.
Comme dans le cadre de la précédente tentative de réforme du Règlement Dublin de 2016, les députés européens devraient tenter de corriger les articles les plus attentatoires aux droits fondamentaux des demandeurs d’asile.
Le Conseil de l’Union Européen devrait au contraire tenter de le rendre le plus flexible et adaptable possible, afin que chaque État-membre garde une marge de fonctionnement dans la gestion de l’immigration.
Comment agir ?
Les associations et organismes de défense des droits des étrangers vont toutes se mobiliser, des analyses détaillées des différentes mesures de ce pacte devraient être rendues publiques, après les premières analyses globales qui ont déjà commencé à être diffusées.
Le principal levier à actionner va être de contacter nos députés européens afin de les soutenir dans la défense des droits fondamentaux des étrangers. Il faut avoir conscience que le rapport de force est inégal entre les partis « progressistes » et ceux qui ne veulent que la fermeture des frontières.
La proposition de la Commission est en grande partie inacceptable, honteuse pour l’Europe, mais reste quand même considérée comme « laxiste » par certains groupes et partis politiques. Le Rassemblement National, par exemple, déclare que ce pacte « aura pour conséquence un accroissement considérable des migrations vers l’Europe » et que « au moins 68 millions de migrants non européens pourraient ainsi s’établir dans les États membres de l’UE au cours des prochaines années« … ce qui démontre, si besoin était, leur totale incompétence sur le sujet et le fait qu’ils n’ont probablement même pas lu plus que les premières pages du texte de la Commission Européenne.
Il est indispensable de redoubler de vigilance et de tirer les leçons de la précédente tentative de réforme du règlement Dublin. La proposition de la commission était tout aussi inacceptable, les députés européens ont permis, par leurs amendements, de réduire les aspects négatifs mais le compromis auquel ils étaient arrivés restait inacceptable. La proposition du parlement forçait les demandeurs d’asile à déposer leur demande dans un pays qu’ils n’ont pas choisi, qui plus dans un des pays les moins accueillants de l’Union européenne (Bulgarie, Croatie, Lituanie, Pologne, Hongrie…). Si ces pays refusaient, ils auraient dû payer une «amende» de 50 000 à 100 000 € par demandeurs d’asile refusé.
Cette proposition, scandaleuse et contraire à tous les principes humanitaires, a pourtant reçu les votes de tous les partis dit « progressistes ». Détail des votes
Il est difficile d’expliquer pourquoi les partis dit “progressistes” ont voté et soutenu cette proposition. Il y a une contradiction entre cette proposition de réforme et certaines prises de position officielles des partis. Ces contradictions sont probablement involontaires, la grande majorité des députés européens de ces partis ont une réelle volonté d’améliorer la situation des demandeurs d’asile. Il est à craindre que certains d’entre eux n’aient pas pris conscience de la portée effective de l’application des articles qu’ils ont soutenus.
Il y a un risque réel que cela se reproduise, tant la proposition de la Commission est complexe et les différents articles recèlent de détails aux répercussions potentiellement dramatiques.
Exemples :
1 – UN DROIT AU RECOURS RENDU INEFFECTIF
La Commission martèle que sa proposition respecte le droit à un recours effectif et le respect des garanties procédurales. Or de manière particulièrement insidieuse la commission a court-circuité la portée des recours contre les transferts Dublin. Actuellement plus de la moitié des recours sont gagnés en se basant sur le non-respect par les Préfectures de l’examen de l’article 17, article qui permet aux États-membre de ne pas appliquer le règlement Dublin pour des raisons humanitaires.
L’article sur le droit au recours, sous sa forme actuelle, est ainsi rédigé :
« Article 27 – Voies de recours
1. Le demandeur ou une autre personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point c) ou d), dispose d’un droit de recours effectif, sous la forme d’un recours contre la décision de transfert ou d’une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction. »
La Commission européenne l’a complété comme suit :
« Article 33 – Recours
1. Le demandeur ou une autre personne visée à l’article 26, paragraphe 1, points b), c) et d), a le droit d’exercer un recours effectif, sous la forme d’un appel ou d’un réexamen, en fait et en droit, contre une décision de transfert, devant une juridiction.
La portée du recours est limitée à une évaluation de :
(a) si le transfert entraînerait un risque réel de traitement inhumain ou dégradant pour la personne concernée au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux ;
(b) la violation des articles 15 à 18 et de l’article 24, dans le cas des personnes prises en charge en vertu de l’article 26, paragraphe 1, point a). »
La possibilité de recours est donc désormais limitée et en est exclu l’article 25, qui est justement dans la nouvelle proposition l’actuel article 17, qui permet aux demandeurs d’asile de gagner plus de la moitié des recours.
2 – LES MINEURS ISOLÉS ÉTRANGERS POTENTIELLEMENT DUBLINABLES DANS CERTAINS CAS
Actuellement les mineurs isolés étrangers ne sont pas impactés par le règlement Dublin, leur demande d’asile est logiquement étudiée dans le pays où ils l’ont déposée.
L’article actuel est ainsi rédigé :
« En l’absence de membres de la famille, de frères ou sœurs ou de proches visés aux paragraphes 1 et 2, l’État membre responsable est celui dans lequel le mineur non accompagné a introduit sa demande de protection internationale, à condition que ce soit dans l’intérêt supérieur du mineur. »
La Commission européenne l’a modifié comme suit :
« En l’absence d’un membre de la famille ou d’un parent tel que visé aux paragraphes 2 et 3, l’État membre responsable est celui où la demande de protection internationale du mineur non accompagné a été enregistrée pour la première fois, à moins qu’il ne soit démontré que cela n’est pas dans l’intérêt supérieur du mineur. »
La différence entre « a introduit se demande de protection » et « où la demande de protection internationale du mineur non accompagné a été enregistrée pour la première fois » n’est pas anodine… cela veut dire que désormais, les mineurs isolés étrangers pourraient être expulsable dans un autre État-membre s’ils ont une demande de protection déjà déposée ou rejetée dans un précédent pays.
Ce ne sont que 2 exemples parmi sans doute des dizaines d’autres, qui démontrent la vigilance indispensable afin de ne pas laisser passer une réforme de la politique migratoire qui déshonorerait l’Union Européenne.
On fait quoi maintenant ?
Maintenant il faut faire bloc et se mobiliser pour que l’Europe change de paradigme.
La communication autour de ce pacte est mensongère et hypocrite, la Commission répéte inlassablement qu’elle se soucie du respect des droits fondamentaux, des procédures, parle de « solidarité » et de « parrainage »… mais la « solidarité » n’est qu’entre les pays européens au détriment des hommes, femmes et enfants qui viennent leur demander une protection.
Le « parrainage de retour » n’est rien d’autre que d’institutionnaliser qu’un pays européen pourra aider un autre pays européen à financer l’expulsion d’un étranger, contre sa volonté, vers un pays tiers dont nous n’avons aucune garantie que sa vie n’y sera pas menacée.
Le modèle européen que propose la Commission se résume à :
- Limiter l’entrée et la circulation
- Limiter et accélérer les procédures au détriment du respect des droits,
- Faire du retour et du rejet de l’étranger le modèle obsessionnel européen.
Il faut mobiliser nos députés européens pour qu’ils défendent le modèle d’une Europe ouverte et solidaire. Solidaire entre ses États-membres, oui, mais aussi et surtout envers les hommes, femmes et enfants qui viennent nous demander de les protéger.
Il faut le rappeler, la question n’est pas d’être « pour » ou « contre » la migration. La migration est un droit fondamental.
Il faut le rappeler, les voies légales d’ÉMIGRATION sont largement ouvertes pour nous, européens.
Il faut le rappeler, en tant que citoyen français nous pouvons grâce à notre passeport aller dans 186 pays sans avoir à demander un visa, sans demander son avis au pays de destination.
Dans le même temps le passeport des citoyens de pays comme l’Afghanistan ou le Soudan ne permettent l’accès qu’à une vingtaine de pays, et aucun de ces pays n’est européen.
Il faut le rappeler, 2,5 millions de français sont « expatriés » à l’étranger, dont près de 25% en Afrique, proche et Moyen-Orient. Près de 600 000 français installés durablement dans des pays à qui nous fermons nos frontières.
Il faut le rappeler, nous avons notre part de responsabilité dans les désordres mondiaux qui poussent ces hommes, femmes et enfants sur les routes de l’exil. Nous avons plus qu’une part de responsabilité dans les 20 000 morts sur les routes de l’Europe. C’est la fermeture de nos frontières qui alimente le commerce mortifère des passeurs, faisant des partisans de cette fermeture leurs complices.
Il faut le rappeler, le marteler, inlassablement, la seule issue respectueuse des droits fondamentaux passera par l’ouverture de voies légales et sûres d’immigration et le libre choix du pays d’asile. Il n’est aucunement question d’idéologie ou de naïveté, mais de justice.
Réponse d’un droit-de-l’hommiste à un président qui méprise les valeurs de la République
M. Macron, vous avez accordé une interview au magazine d’extrême-droite « Valeurs actuelles ». Était-ce une erreur, un piège, je n’ai pas d’avis tranché sur cette question. Je tiens à éviter la « posture » de critique systématique, je ne suis pas en désaccord sur tout, mais certains propos que vous y tenez me semblent difficilement acceptables.
Candidat, vous avez déclaré à propos du fameux « en même temps », que cela signifiait que vous « preniez en compte des impératifs qui paraissent opposés mais dont la conciliation est indispensable au bon fonctionnement de la société ».
Vous avez dû le noter, j’ai dit « en même temps ». Il paraît que c’est un tic de langage. Je continuerai à l’utiliser ! #MacronPrésident pic.twitter.com/c5jN3lPiNd
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) April 17, 2017
Cet « en même temps » est parfaitement acceptable, il induit une volonté de réalisme, un refus du manichéisme qui est salutaire. Aujourd’hui, cet « en même temps » positif s’est transformé en symptôme d’une presque dissonance cognitive, une incohérence flagrante et inquiétante entre vos paroles et vos actes.
Comment pouvez-vous dire : « Je tiens au droit d’asile, mais je ne crois pas du tout en revanche qu’il faille avoir un discours simplificateur sur l’immigration. Je rejoins François Héran, un de nos meilleurs spécialistes sur l’immigration, même s’il a pu être très critique sur mes propos. Lui et Patrick Weil ont montré que nous avons toujours été une terre d ‘immigration. » … et « en même temps » avoir une politique basée sur des arguments qui rejettent les données des spécialistes comme ceux que vous citez ? Quand vous dites publiquement que la France accueille plus et mieux que ses voisins européens, c’est non seulement un discours simplificateur mais aussi mensonger, François Héran l’a parfaitement explicité à plusieurs reprises.
Comment pouvez-vous dire rejoindre les propos de François Héran, tout en déclarant encore que « Notre système est plus généreux. Ça ne va pas. » ? C’est faux, notre système n’est pas plus généreux que les autres pays européens. Nous avons un taux d’obtention de l’asile plus bas que la moyenne, les statistiques officielles d’Eurostat le démontrent, nous sommes au 25e rang européen en première instance, et au 13e rang en appel (source).
Vous qui croyez en l’Europe, en une solution européenne à la question migratoire, comment pouvez-vous vous faire passer pour « progressiste », alors que nous sommes, à l’échelle européenne, un « mauvais élève » en termes d’accueil des demandeurs d’asile, seulement au 15e rang si l’on prend en compte le ratio de personnes accueillies relatives à la population et au PIB ?
Comment pouvez-vous dire aujourd’hui, au sujet du règlement Dublin : « Il faut qu’on sorte des dogmes sur la responsabilité des pays de première entrée, sinon nous n’aurons jamais avec nous les italiens« … alors que disiez il y a quelques mois qu’il ne fallait pas revenir sur ce règlement, sous peine de déresponsabiliser les pays frontaliers (source) ?
Est-il vraiment juste de s’enorgueillir d’avoir initié, avec l’Allemagne, un accord de « mécanisme de solidarité » permettant une répartition systématique des demandeurs d’asile secourus en Méditerranée, ce qui va concerner au mieux quelques dizaines de personnes… alors que « en même temps », chaque jour la France expulse des demandeurs d’asile en Italie, au nom de ce même règlement Dublin, qui n’est pourtant pas obligatoire.
Comment pouvez-vous déclarer refuser les discours simplificateurs, alors qu' »en même temps » votre gouvernement lui-même fourni à ses parlementaires des documents mensongers afin d’orienter leurs opinions ?
Comment pouvez-vous dire que vous « tenez au droit d’asile » alors qu' »en même temps » vous en avez restreint l’accès par la une énième réforme de la loi, en multipliant les barrières juridiques et administratives ? Comment pouvez-vous laissez « Valeurs actuelles » dire « que le droit est du côté de l’immigration », alors que nous le constatons chaque jour, les Préfectures elle-même ne respectent pas la loi en termes d’accès à un titre de séjour, et quand nous le leur faisons remarquer ils nous répondent : « Ce sont les consignes » ?
Comment pouvez-vous dire « Le problème, c’est les plus de 100 000 demandeurs d’asile, dont une très faible minorité obtient le droit d’asile. » ? Comment pouvez-vous insinuer dans un magazine d’extrême-droite qu’une « très faible minorité » des exilés « méritent » une protection ? Vous connaissez forcément les chiffres : 35% des demandeurs d’asile obtiennent une protection en France (53% au niveau européen), et pour cela ils ont dû PROUVER qu’ils étaient en danger de mort en cas de retour dans leur pays.
Comment osez-vous parler de « détournement du droit d’asile », regretter que la France accorde trop de visas, alors que 90% des personnes obtenant une protection n’ont eu d’autres choix que d’entrer illégalement en Europe, justement parce que l’Union Européenne refuse d’ouvrir des voies légales d’immigration ?
Pour finir avec cet article, je reviens sur cette phrase : « Pendant la campagne, je les avais face à moi, ces droits-de-l’hommiste la main sur le cœur.«
Il est particulièrement choquant que vous repreniez à votre compte la rhétorique méprisante d’extrême-droite, je me permets de vous rappeler que les citoyens attentifs au respect des droits de l’Homme sont pour l’ÉGALITÉ.
Les citoyens ayant la main sur le cœur croient dans les valeurs de FRATERNITÉ.
En une phrase, vous, président de la république, avez démontré que vous méprisiez les valeurs de la république.
Monsieur le Président, j’ai voté pour vous au second tour de l’élection présidentielle. Je ne l’ai pas fait par adéquation avec votre projet politique, mais pour faire barrage au Front National. Et je vais vous faire une confidence, j’ai même cru un instant en vous, en votre capacité de faire changer les choses, au-delà des clivages politiques.
Je n’ai de carte dans aucun parti et n’en aurais jamais.
Je ne suis ni sociologue, ni politologue, Je ne prétends pas être en mesure de juger et d’avoir un avis sur tous les sujets politique, mais depuis 4 ans j’accompagne des demandeurs d’asile dans leurs procédures. J’écoute vos propos, je suis les débats à l’Assemblée nationale, au Sénat, en Commission des lois. Je vis sur le terrain, au quotidien, la réalité des conséquences et choix politiques.
Aujourd’hui, 2 ans et demi après le début de votre mandat, je n’ai jamais aussi peu cru en la politique. J’ai constaté les mensonges dans vos documents, les manipulations, les discordances entre les actes et les paroles.
Je ne peux juger que ce qui concerne la politique d’asile et d’immigration, mais comment ne pas croire qu’il en soit de même sur tous les autres sujets ? Il ne m’est plus possible de croire en votre politique, ni dans la politique au sens large.
Je n’ai jamais considéré le Rassemblement National comme un parti politique. C’est un parti idéologique, qui a fait du mensonge un procédé de manipulation opportuniste. En procédant comme eux, vous ne leur faites pas barrage, vous cautionnez leurs méthodes et leur servez de marchepied.
Si aux prochaines élections vous vous retrouvez en face de Marine Le Pen, je ne voterais pas pour vous. Je glisserai un bulletin blanc dans l’urne, ce qui ne servira à rien, vu que vous n’avez pas retenu l’option de sa reconnaissance…
Je crains que nous ne soyons nombreux à faire de même. Si c’est le cas, j’espère que vous vous souviendrez de vos mots d’aujourd’hui, ou vous considérez que 35% des demandes d’asile accordées constituent une « très faible minorité ». En 2017, vous avez obtenu à peine 43% des voix des personnes inscrites sur les listes.
Et si c’est Marine Le Pen qui accède à la présidence, nous serons nombreux à nous mobiliser pour dénoncer les mensonges gouvernementaux.
Vous nous aurez au moins servi d’entraînement.
ADA
Je vous propose de recenser sur cette page les informations à jour sur la réforme de la carte ADA, et surtout d’y lister tous les conseils possibles pour aider les demandeurs d’asile.
N’hésitez pas à m’aider à alimenter cette page, en apportant des précisions en commentaires ou par mail, je mettrais à jour.
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Mise à jour 23 octobre
Voici 2 modèles de courriers , un à destination de vos parlementaires (député.e.s, sénateurs.trices), afin de leur demander d’intervenir auprès de la DGEF : modele courrier parlementaires
et un modèle de courrier à destination du ministère de l’intérieur/DGEF/OFII avec 2 propositions concernant la carte ADA (la passer en carte mixte retrait ET paiement, ou versement de la carte AD sur compte bancaire/livret A) : modèle courrier MI/DGEF/OFII
Ce ne sont que des modèles, vous pouvez évidemment les adapter à votre goût.
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Comme vous l’avez probablement appris, la DGEF (Direction Générale des Étrangers en France) et l’OFII ont enclenché une réforme du fonctionnement de la carte bancaire sur laquelle est versée l’allocation aux demandeurs d’asile.
La carte, sous sa forme actuelle, permet de retirer l’allocation en 5 retraits mensuels d’argent liquide. Il a été annoncé qu’à partir du 5 novembre cette carte ne permettra plus de faire des retraits d’argent liquide, mais permettra uniquement des paiements en magasin, sur TPE (terminal de paiement électronique). Il était initialement prévu une limitation à 25 paiements mensuel, qui a été annulée, mais qui ne règle pas le souci d’accès à l’argent liquide.
Une forte mobilisation s’est mise en place :
- Une pétition a été lancé afin de demander l’annulation de cette réforme, qui a recueilli à ce jour plus de 11 000 signatures et a été cosigné par plus de 100 associations et collectifs : http://chng.it/ywv4RJVB
- La Fédération des acteurs de solidarité et la CFDA ont publié une lettre ouverte commune : https://www.gisti.org/spip.php?article6245
Malgré tout, la DGEF s’obstine et refuse de revenir sur sa décision, et le changement devrait s’opérer à partir du 5 novembre, comme cela a été indiqué par SMS à tous les bénéficiaires de l’allocation.
POUR AUTANT LA MOBILISATION NE DOIT PAS FAIBLIR !
Même si le changement devient opérationnel, il n’est jamais impossible de revenir en arrière, et les arguments ne manquent pas pour cela.
Il faut être lucide, cette évolution n’a AUCUNE justification cohérente, et n’est souhaitée par PERSONNE : ni les demandeurs d’asile, ni les organismes gestionnaires. Le fait que la DGEF n’obstine à vouloir le mettre en place malgré tout démontre que l’objectif n’est que de rajouter une complication de plus dans le parcours pourtant déjà semé d’embuches des personnes qui demandent une protection à la France.
Nous ne pouvons pas accepter ce recul des droits et cette politique dissuasive.
Je liste ci-dessous quelques pistes possibles pour essayer de contourner et réagir.
C’est une initiative personnelle, le fruit de recherches et contacts pris à droite et à gauche, et n’est pas à prendre comme un « guide officiel ». Si vous pensez à d’autres solutions, si vous voyez des choses à corriger, surtout n’hésitez pas, je mettrais à jour dès que nécessaire cette page.
PISTES POUR CONTINUER À AVOIR ACCÉS À DE L’ARGENT LIQUIDE
Le Cashback
Mise à jour 6 novembre – les magasins Casino ont diffusé en interne une consigne nationale : refus de la carte ADA de l’OFII pour le service de Cashback. L’info a été remontée à l’OFII, à suivre…
C’est l’OFII lui-même qui en a parlé, certains magasins du Groupe Casino proposent une fonctionnalité appelée « Cashback ». Le principe est le suivant : vous devez acheter au moins un article (1€ minimum) et quand vous passez à la caisse, avant de payer avec la carte ADA, vous demandez à bénéficier du cashback : si votre article coute 5 euros vous demandez par exemple à payer 55 euros avec la carte ADA et il vous est donné en retour 50 euros en liquide.
Je n’ai pas trouvé pour l’instant la liste des magasins proposant ce service, j’ai fait la demande. Si quelqu’un en a trouvé une, je suis preneur, je la rajouterais ici. (edit 22 octobre : le Groupe Casino devrait m’envoyer la liste sous 5 jours).
En attendant, si vous avez un magasin du groupe Casino près de chez vous demandez-leur, soit par téléphone soit au guichet d’accueil, AVANT de faire votre achat et de passer en caisse.
Cette solution ne fonctionne évidemment que si vous avez un magasin proposant le cashback près de chez vous, ce qui n’est absolument pas garanti.
Si vous avez connaissance d’autres magasins proposant ce type de service, dites-le-moi je les ajouterais.
ATTENTION, le cashback est réglementé par la loi : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2018/8/3/ECOT1728049L/jo/texte
Un commerçant n’a pas le droit de vous reverser une partie de la somme payée en liquide, contre une commission, sans rester dans le cadre légal. Méfiez-vous si cela vous est proposé, il n’est pas exclu que les demandeurs d’asile soient victimes d’abus, si c’est le cas signalez-le.
OUVRIR UN COMPTE BANCAIRE OU UN LIVRET A
Il est théoriquement possible d’ouvrir un compte bancaire, quel que soit la situation de la personne, y compris quand on est un « sans-papiers ».
Voire à ce sujet la documentation du GISTI, « Sans papiers mais pas sans droits ».
Les demandeurs d’asile qui sont dans un centre d’hébergement peuvent demander à leur intervenant social de les aider à ouvrir un compte en banque ou un Livret A, et si ça fonctionne de demander à l’OFII de verser l’ADA dessus. C’est une possibilité prévue par la loi :
« Article D744-33 – L’allocation pour demandeur d’asile est versée mensuellement sur la base de cette transmission, à terme échu, par alimentation d’une carte de retrait ou de paiement. De manière transitoire ou par dérogation, notamment dans les départements d’outre-mer, l’allocation peut être versée par virement sur un compte bancaire du bénéficiaire. »
Attention, à ce jour nous n’avons pas de garantie que la DGEF et l’OFII vont accepter le versement de l’ADA sur ces comptes, il faudra leur demander par courrier une dérogation.
Les demandeurs d’asile peuvent aussi faire la démarche tout seul, ou avec un bénévole, mais s’ils ont un intervenant social volontaire il y a potentiellement plus de chances que ça fonctionne avec lui.
Etape 1 : DEMANDER UNE OUVERTURE DE COMPTE OU DE LIVRET A
Normalement toute personne, quelle que soit sa situation, dispose du « droit au compte ».
L’ouverture d’un Livret A est largement plus facile qu’un compte bancaire, mais a moins de fonctionnalités, donc il semble intéressant de tenter d’abord l’ouverture d’un compte, et le cas échéant d’un Livret A. Le compte bancaire a l’avantage de pouvoir potentiellement fournir une carte de paiement en ligne, pratique pour le règlement par exemple des trajets en Ouibus, BlablaCar, etc.
Le Livret A permet de faire des retraits d’argent liquide au guichet (à partir de 1,5€ à la Banque Postale). Il n’est pas possible de se faire verser un éventuel salaire dessus, mais il y est possible le versement de « des prestations sociales versées par les collectivités publiques et les organismes de sécurité sociale ; » – Arrêté du 4 décembre 2008 pris pour l’application de l’article R. 221-5 du code monétaire et financier/
Voici les instructions pour l’ouverture d’un compte/Livret A, tirées et adaptées d’un guide de la Fédération bancaire française : http://www.fbf.fr/fr/files/9FUF2U/FBF%20Mini-Guide%20-%20Droit%20au%20compte_accessible.pdf et des conseils de Bernard Bretonnière que je remercie au passage !
Prenez-rendez-vous dans une banque afin de demander l’ouverture d’un compte.
Jusqu’ici la Banque Postale semble être un des établissements les moins « fermés », mais c’est très variable. Certains privilégient le Crédit Mutuel, le Crédit Coopératif… N’hésitez pas à apporter vos retours d’expériences.
Il faut se présenter au rendez-vous avec :
- L’attestation de demandeur d’asile originale (en cours de validité)
- L’attestation de domiciliation
- L’attestation d’ouverture des CMA (conditions matérielles d’accueil) que vous a donné l’OFII lors de votre premier entretien à la Préfecture
Si une banque vous refuse l’ouverture d’un compte, elle doit vous remettre gratuitement et sans délai une « attestation de refus ».
Si besoin, insistez et ne partez pas sans avoir obtenu ce document écrit attestant du refus, il vous servira à exercer votre droit au compte auprès de la Banque de France, conformément à la procédure décrite ci-dessous.
Vous pouvez solliciter une autre banque, ou plusieurs, pour l’ouverture d’un compte. Mieux vaut en trouver une qui souhaite vous ouvrir ce compte avant de se lancer dans la procédure.
En cas de refus successifs, vous pourrez demander alors à bénéficier du « droit au compte ».
Si la banque qui vous a refusé l’ouverture de compte semble néanmoins prête à vous aider, vous pouvez lui demander d’agir en votre nom et de transmettre gratuitement votre demande à la Banque de France pour qu’elle désigne un établissement (celui-ci ou un autre) où un compte vous sera ouvert : si vous acceptez, la banque vous fait remplir et signer le formulaire de demande de droit au compte et le transmet, avec vos pièces justificatives décrites ci-dessous, le jour même par fax ou courriel à la Banque de France.
Si vous préférez, vous devrez effectuer les formalités vous-même en vous rendant à la Banque de France, muni de l’attestation de refus de la banque et des pièces décrites ci-dessous.
Il est aussi possible de se faire aider par le CCAS ou le CDAS pour constituer ce dossier.
Liste des documents à fournir :
- formulaire de demande de droit au compte pour une personne physique (téléchargeable ici : Exercice du droit au compte,
- l’attestation de refus d’ouverture de compte délivrée par une banque à son nom,
- copie de votre attestation de demande d’asile,
- l’attestation de domiciliation (datant de moins de trois mois).
La Banque de France a des succursales un peu partout, vous pouvez chercher celle la plus proche de chez vous ici : Implantations de la Banque de France
A réception du dossier, la Banque de France désigné sous 24h une banque, qui doit vous ouvrir un compte. Vous recevez l’information par courrier, et vous pouvez aller dans cette banque, qui aura également reçu l’information, afin de procéder à l’ouverture du compte.
Attention, la banque en question va peut-être tenter de refuser, vous demander d’autres documents, dans ce cas il faut insister et menacer de saisir à nouveau la Banque de France.
N’ouvrez pas plusieurs comptes à la fois par cette procédure, ce serait un motif de fermeture de compte.
Etape 2 : DEMANDE DE DÉROGATION DE VERSEMENT ADA SUR LE COMPTE
Une fois le compte ouvert, ou à défaut le Livret A, il faut demander à l’OFII une dérogation de versement de l’allocation sur ce compte.
Pour cela il faut envoyer un courrier à l’OFII, dont voici une proposition de modèle :
http://www.exils.org/dac/demande-derogation-ada-compte.docx
Encore une fois, nous ne savons pas à ce stade si ces demandes de dérogation seront acceptées par la DGEF/OFII, mais il me semble important de tenter, et en cas de refus d’envisager des procédures en contentieux.
AUTRES OPTIONS
Il est aussi envisageable de passer par des services privés de comptes en ligne ou de paiement : compte Nickel, C-ZAM, MyPocket, etc. mais ces services sont payants et privés.
Je détaillerai si besoin ces alternatives dans un second temps.
INFOS SUR LE FONCTIONNEMENT DE LA CARTE ADA
LA GESTION DE LA CARTE
La gestion de cette carte est un marché global passé par l’Agence de service de paiement : https://www.asp-public.fr
Actuellement le titulaire du marché est la société UP (anciennement gestionnaire des tickets restaurant), via leur filiales Cohésia.
L’ASP est l’opérateur bancaire. La société UP facture les frais de fonctionnement à l’ASP, qui présente la facture à l’OFII.
La société UP fournit à l’OFII un accès à un intranet qui permet de gérer les cartes ADA. Pour chaque carte, il s’agit d’une sorte de relevé de compte virtuel personnel.
Dans le cas d’une carte de paiement sur TPE, l’intranet indique le lieu et le magasin ou a été fait le paiement. La transition vers une carte de paiement permettrait donc de savoir dans quel magasin et ou ont été effectués chacun des paiements, ce qui peut interroger sur le respect des normes RGPD et l’éventuelle volonté de surveillance des demandeurs d’asile.
Concernant l’expérimentation qui a été réalisée en Guyane début 2019, les demandeurs d’asile n’auraient effectués que 7 paiements par mois en moyenne, alors qu’ils pouvaient en faire 25.
Des contacts avec des demandeurs d’asile à Cayenne semblent indiquer que la conséquence de l’expérimentation a surtout été la mise en place de stratégie de contournement pour pouvoir accéder à de l’argent liquide (le DA fait un plein de courses pour un compatriote statutaire, ce dernier lui reverse la somme en liquide, etc.).
Il a été proposé à la DGEF de faire une carte « mixte » permettant à la fois les retraits et les paiements, il a été répondu que cette solution coutait encore plus cher. C’est faux, la société UP ne facture QUE un forfait en fonction du nombre du plafond du nombre de paiements en TPE. Les frais de retrait ne sont pas facturés par UP, c’est la banque réelle qui les facture.
LES CHIFFRES
D’après le rapport annuel 2018 de l’OFII, il y aurait eu en 2018 : 91 936 ménages bénéficiaires (environ 130 000 personnes)
Le montant moyen mensuel versé est 34,8 M€, soit 417 M€ annuel
D’après ce rapport officiel : « Au 31 décembre 2018, la dépense du programme 303 versée à l’OFII pour l’ADA s’élève à 424,23 M€ en AE et en CP. Elle comprend :
– 419,51 M€ versés pour l’allocation (dont un apport de 8,4 M€ à la trésorerie en décembre) ;
– 4,72 M€ versés pour les frais de gestion de l’allocation. »
et
« Enfin, les crédits versés par le programme 303 ont été réduits grâce à la récupération par l’OFII de « sommes dormantes », c’est-à-dire des sommes en déshérence non retirées pas les allocataires (6,7 M€), qui ont été réaffectées au financement de l’allocation. »
LES FRAIS DE GESTION
Sous la forme actuelle de carte de retrait uniquement, il y aurait une « commission de retrait » de 0,57€, qui est payée par l’établissement de paiement à la banque propriétaire du DAB (Source).
Sachant que les personnes ne peuvent faire que 5 retraits maximum, et qu’il y a 91 936 ménages bénéficiaire (1 carte par ménage), cela voudrait dire qu’il y aurait environ 5 516 000 retraits/an, donc une commission de retrait annuelle d’environ 3 144 000 €.
Sous la forme d’une carte de paiement uniquement, comme l’envisage la DGEF, les frais sont à la charge des commerçants, qui doivent reverser une commission au gestionnaire de la carte.
La règlementation européenne a plafonné cette commission à 0,2%.
Ce qui représenterait, sur l’année, 834 000 €/an de frais de commission interbancaire, qui cette fois seraient reversés par les commerçants à l’établissement de paiement.
Le passage de la formule « retrait » à une formule « paiement », permettrait de faire les économies suivantes : un peu plus de 3 millions de frais annuels en moins, et une « récupération » de commission de 0,8 M€.
Soit 3,8M€ annuel en moins, ce qui peut sembler beaucoup mais qui est à relativiser, au vu des 6,7M€ de « sommes dormantes » qui sont récupérées. Donc de manière factuelle, les frais de gestion de la carte sont déjà absorbés par la récupération des sommes non versées.
Enfin, rappelons que le versement des aides en liquide est une recommandation du Haut-Commissariat aux réfugiés : « Le HCR étend son assistance en espèces afin que des millions de bénéficiaires puissent répondre à leurs besoins dans la dignité, être protégés et devenir plus résilients. »
L’aide en espèces donne aux réfugiés le pouvoir de choisir leurs dépenses.
Non à la réforme de la carte d’allocation des demandeurs d’asile
Le 2 aout, l’OFII a officiellement annoncé un changement de fonctionnement de la carte bancaire qui est donné aux demandeurs d’asile, afin de percevoir leur allocation :
Dans un second temps, la DGEF et l’OFII ont annoncé que la limite de 25 paiements serait supprimée. Le nombre de paiements mensuels devient illimité, mais ne change pas le problème de fond : les demandeurs d’asile, dont l’allocation est le seul moyen de subsistance, n’auront plus accés à de l’argent liquide. Actuellement, la carte remise à chaque bénéficiaire permet jusqu’à 5 retraits mensuels d’espèces en guichet bancaire. Cette allocation est versée à tous les demandeurs d’asile pendant la durée de la procédure. Pour une personne seule le montant versé est de 210€/mois si elle dispose d’un hébergement, et de 440€/mois si aucun hébergement ne lui a été proposé (40% des cas). Le montant de l’allocation perçue est largement inférieur au RSA, qui est de 560€/mois.
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F33314
1er argument invoqué : « Il s’agit de limiter les retrait qui ont un coût pour l’Ofii. »
Pourquoi l’argument n’est pas valable ?
Le surcoût lié à la carte de retrait est minime, le rapport de la commission des finances pour le budget 2020 indique : « Sur la base de 120 000 cartes utilisées et, dans le cadre du marché en cours, le coût de cotisation mensuel d’une carte s’établit à 2,02 euros pour une carte autorisant cinq retraits (situation actuelle) et à 1,94 euros pour une carte de paiement illimitée (situation à compter du 5 novembre 2019). » La différence est donc de 8 centimes d’euros par mois et par carte… ce qui va représenter une économie annuelle de 115 200 € en frais de fonctionnement, sur un coût total de frais de gestion qui s’est élevé à 3 456 820 euros en 2018.
2e argument invoqué : « Quand l’on a moins de dix euros sur la carte, il n’est pas possible de retirer cet argent parce que les distributeurs de billets ne fournissent pas des billets de cinq euros »
(source)
Pourquoi l’argument n’est pas valable ?
Le montant mensuel non perçu est reporté au mois suivant, donc les éventuelles sommes non retirées sont minimes au final, et ne justifient pas de pénaliser les demandeurs d’asile. Il y aurait un moyen très simple de contourner ce souci : transformer la carte actuelle en carte « mixte », permettant à la fois les retraits en liquide et le paiement chez les commerçants. Cette option présentait un surcoût, toujours d’après ce rapport : « L’OFII a également étudié, mais non retenu, l’hypothèse d’une carte mixte qui aurait fait office de carte de retrait et de carte de paiement. Le coût de cotisation unitaire d’une carte mixte autorisant 25 transactions par mois aurait été de 3,65 euros et celui d’une carte mixte autorisant des transactions illimitées aurait été de 3,96 euros. »
Cette solution d’une carte mixte aurait donc généré un surcoût de 2 euros par mois et par carte. Il est probable que les demandeurs d’asile, s’ils avaient été consultés, aurait accepté de prendre en charge ce surcoût. Mais ils n’ont jamais été consultés.
3e argument : « Parce que la carte était limitée à cinq retraits, cela oblige les demandeurs d’asile à garder de l’argent liquide sur eux. Cela peut être dangereux, d’autant que certains d’entre eux ne sont pas en hébergement [et vivent dans la rue] »
(source)
Pourquoi l’argument n’est pas valable ?
La moitié des demandeurs d’asile ne se voient en effet proposer aucun hébergement. Ils n’ont alors d’autres solutions que les dispositifs d’hébergement d’urgence, difficilement accessible pour les étrangers, ou trouver un logement par leur propres moyens, c’est à dire des logements en colocations… qu’il n’est pas possible de payer autrement qu’en argent liquide. Cette mesure va d’autant plus précariser et pénaliser les demandeurs d’asile non hébergées. Cet argument, s’il était justifié, serait facilement contournable en permettant les retraits ET les paiements.
Témoignage de Ali, demandeur d’asile en Bretagne : « Cela fait 4 mois que j’ai déposé ma demande d’asile, mais je n’ai pas d’hébergement. C’est vrai que la vie est dure dans la rue, mais on ne m’a jamais volé mon argent. […] Il y a 1 mois j’ai été hébergé par un compatriote, j’ai aidé à payer le loyer en lui donnant une partie de mon allocation, en liquide. Avec la nouvelle carte, je ne pourrais pas le faire. […] Comme je dors dans la rue, je ne peux pas garder des courses avec moi, alors j’achète que des petites quantités, juste une baguette de pain ici, des fruits à la fin du marché, ou à l’épicerie solidaire. Je ne vais plus pouvoir le faire maintenant. Je ne vais plus pouvoir aller à la laverie non plus.«
Témoignage d’Akram, demandeur d’asile dans l’Est de la France : « L’OFII ne m’a pas donné d’hébergement, ils m’ont ont dit qu’il n’y avait plus de place. Comme je suis malade, ils m’ont dit d’appeler le 115 et j’ai pu avoir une semaine à l’hôtel, mais c’est fini maintenant, je dors dans la gare. Je ne sais pas comment je vais faire si la carte ne marche plus dans les distributeurs. Je ne fais que des touts petits achats, comment je vais acheter une baguette, ou un café pour me réchauffer le matin ? Il faut que je travaille au noir pour que puisse continuer.«
4e argument : « L’OFII rappelle qu’avant de mettre en place ce nouveau mode de versement de l’allocation pour demandeur d’asile, il a été expérimenté avec succès à grande échelle en Guyane. »
(source)
Pourquoi l’argument n’est pas valable ?
L’OFII refuse de publier les résultats détaillés de cette expérimentation, ce qui laisse à considérer comme peu crédible qu’elle ait réellement été une réussite. Un sondage, mené auprès de 160 demandeurs d’asile, montre que 97% d’entre eux estiment que ce changement de fonctionnement va leur compliquer la vie. 16% préfèreraient que la carte garde son fonctionnement actuel, et 82% préfèreraient que la carte permette de retirer de l’argent liquide ET de payer dans les magasins (source).
Des contacts avec des demandeurs d’asile à Cayenne semblent indiquer que la conséquence de l’expérimentation a surtout été la mise en place de stratégie de contournement pour pouvoir accéder à de l’argent liquide (faire un plein de courses pour un compatriote statutaire, ce dernier lui reverse la somme en liquide, etc.).
Après plusieurs relances, l’OFII a indiqué sur Twitter : « Plus de 1400 cartes aux alentours de 15 000 transactions de paiement par mois, c’est-à-dire une moyenne de 10 par carte et par mois. Le montant global de la dépense ADA en Guyane est aux alentours de 500 000 euros par mois.
Plus de 65 % des transactions concernent l’alimentation, le reste concerne des soins médicaux, l’habillement, l’essence ou la quincaillerie.«
Cette réponse soulève plusieurs questionnements :
– Une expérimentation objective aurait consisté à mettre en place cette nouvelle formule sur un temps donné, au terme duquel les bénéficiaires sont interrogés sur l’impact de cette évolution, leur satisfaction ou leur rejet. Or il semble que cela n’est pas été le cas, le « bilan » indiqué par l’OFII consiste juste à indiquer que la carte a bien été utilisée comme carte de paiement par les demandeurs d’asile… qui n’avaient de toutes façons pas le choix. Il semble qu’à aucun moment l’OFII ne leur ai demandé leur avis, ni avant ni pendant ni après. Parler de « succès » est donc particulièrement déplacé.
Plus inquiétant encore : comme indiqué dans cet article général « L’utilisation de cartes de paiement expose l’utilisateur à la traçabilité de ses achats, ce qui peut être utilisé à des fins commerciales ou judiciaires.«
Les statistiques données par l’OFII démontrent par l’exemple qu’ils effectuent un traitement des données personnelles des demandeurs d’asile. Est-ce que cette utilisation respecte les Règlementations Générales sur la Protection des Données (RGPD) ?
5e argument : Le 8 aout, sur Twitter, l’OFII tente de convaincre en faisant la promotion du service de « Cashback » du groupe Géant Casino.
Pour retirer de l’argent liquide avec une carte de paiement de plus en plus de commerçants offrent l’option Cash Back, le groupe Casino par exemple :https://t.co/XRQN2DzoeV
— Office Français de l’Immigration et Intégration (@OFII_France) August 8, 2019
Pourquoi l’argument est contestable ?
Déjà il est très discutable qu’un organisme d’état fasse la promotion d’un groupe privé afin de palier à une restriction de droit qu’il projette de mettre en place. De plus certains centres d’accueil de demandeurs d’asile se trouve à 20, 30 voir plus de 80 km du plus proche Géant Casino. Ce principe de « cashback », encore embryonnaire en France, ne semble pas être réparti de manière équitable selon les territoires.
Il y aurait donc environ 320 endroits en France ou il est possible de retirer de l’argent en « cashback », alors qu’aujourd’hui, il y a 52 000 distributeur automatique de billets.
La réforme proposée par le Ministère de l’intérieur réduit de 160 fois la possibilité de retrait d’argent liquide, et impose de se rendre dans une seule chaine de magasin et d’y faire un achat minimum.
6e argument : « D’autres pays d’Europe ont déjà mis en œuvre des modes de démonétisation de l’allocation pour demandeurs d’asile par le biais de carte de paiement ou de bons d’achat. C’est le cas, par exemple en Allemagne, en Grande Bretagne, ou encore en Belgique. »
(source)
Pourquoi l’argument est contestable :
Il a été demandé plusieurs fois à l’OFII d’indiquer les sources permettant d’affirmer ceci, pour l’instant sans réponse.
Des demandeurs d’asile présents dans ces 3 pays ont été contactés par des bénévoles, ainsi que des recherches en ligne, pour vérifier, voici les réponses pour l’instant obtenues.
GRANDE-BRETAGNE :
Il semble que les demandeurs d’asile bénéficient d’un logement et d’une carte leur permettant à la fois de faire des achats mais aussi de retirer de l’argent en liquide.
« You will now qualify for what is known as “Section 95 support”, which is housing plus £37.75 per week for each person. (…) You will receive instructions on how to receive your money, which will be paid through a card called an ASPEN card. This can be used like a debit card, to withdraw money from cash machines (ATMs) or to pay for items in shops.«
(source)
BELGIQUE
Il semble que dans ce pays l’aide apportée soit une sorte de « package global », comprenant l’hébergement, la nourriture, l’accompagnement médical… et une aide, minime, en liquide.
« En Belgique, les demandeurs de protection internationale (DPI) accueillis en centres collectifs reçoivent une aide matérielles (logement, nourriture, suivi médical et social, accès à des vêtements – dons -, etc.) et reçoivent 7.20€ d’argent de poche (je pense que ce montant vient d’être indexé de quelques centimes) par semaine. Cet argent leur est versé en main propre, en liquide. Les personnes accueillies en appartements individuelles (adultes et mineurs isolés de plus de 16 ans avec un statut de protection ou DPI malades) reçoivent une allocation hebdomadaire (+- 70€) qui leur est versée soit en main propre soit sur leur compte bancaire.
la majorité des personnes sont accueillies dans une structure collective tant qu’elles n’ont pas reçu de statut de protection. Actuellement, toute personne qui introduit une demande d’asile à droit à l’accueil et donc 100% sont accueillies.«
ALLEMAGNE
Dans ce pays les pratiques semblent différer selon les « länders ».
Témoignage 1 : « Nous avons pas de carte bancaire ici, c’est notre assistant social qui nous donne notre argent de poche, en cash.
Pour ceux qui vivent encore dans un camp, pas encore transféré dans un appartement, ils ne touchent que 30 € par semaine mais ils mangent a la cantine le matin midi et soir. (…) Pour nous, ont nous a fourni un appartement, nous touchons 300€ par mois et on paye la facture de courant chaque mois 40€ et aussi on a le droit de travailler tout de suite. »
Témoignage 2 : « Nous avons autour de 180€ cash quand on s’enregistre et après autour de 350€ mois en cash avec un recu qu’on presente a la banque. Et on peut ouvrir un compte danss une banque allemande. C’est la banque qui délivre une carte normale.«
Témoignage 3 : « Il y a des régions où les demandeurs d’asile recoivent des bons d’achat pour certains magasins et seulement pour certains produits (par example pas pour des cigarettes et d’alcol). Et dans les grandes camps ils recoivent seulement la nouriture/des repas dans le camp et un peu d’argent de poche.«
Ces différents témoignages et sources, si ils sont confirmés, tendent à démontrer que l’OFII mentirait en affirmant que dans ces 3 pays les demandeurs d’asile ne perçoivent pas leur allocation, au moins en partie, en argent liquide.
7e argument : « Ce mode d’aide a aussi été mise en œuvre par le HCR dans certains pays comme la Turquie ou par l’ONU dans le cadre du programme mondial pour l’alimentation. »
Pourquoi l’argument est contestable :
La référence au HCR est d’autant plus étonnante que cette institution défend l’octroi de liquidités sur son site : « Le HCR étend son assistance en espèces afin que des millions de bénéficiaires puissent répondre à leurs besoins dans la dignité, être protégés et devenir plus résilients. » (source)
En Turquie plus précisément, l’aide apportée par l’ONU est ainsi détaillée sur leur site : « Les cartes peuvent être utilisées dans les magasins, comme toute carte de débit, ou pour retirer du liquide à un guichet automatique. » (source)
Ces 2 sources semblent donc elles-aussi indiquer que l’OFII mentirait sur ce point.
Les mobilisations
La veille de l’annonce officielle, la Fédération des acteurs de la Solidarité publiait un communiqué pour dénoncer cette mesure, et y exprimait les réticences profondes de la part des principaux opérateurs de l’hébergement des demandeurs d’asile en France.
Alerte inter-associative sur le changement des modalités de la carte ADA
Le 4 aout, une pétition a été lancée afin de demander à la DGEF et l’OFII d’annuler ce projet de réforme. La pétition est accessible ici :
NON au changement de fonctionnement de la carte d’allocation des demandeurs d’asile
Elle a recueillie à ce jour plus de 11 400 fois et plus de 100 assos et collectifs en sont signataires.
Le 9 octobre, la CFDA et la fédération des acteurs de solidarité publiait une « Lettre au ministre de l’Intérieur, au directeur de la Direction générale des étrangers en France et au directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration.«
Mise à jour du 13 aout, 14h30 :
Cette question de l’évolution de l’allocation des demandeurs d’asile pose des questions plus larges, dont la démonétisation des aides sociales.
La diminution, voire la disparition, de l’argent liquide est un sujet en réflexion depuis des années, cf article de la Tribune de 2017 : Le cash finira par disparaître. La question est : quand ?
Érick Lacourrège, directeur général chargé des services à l’économie et du réseau de la Banque de France indiquait en 2017 : « le cash est le seul moyen de paiement totalement gratuit pour le consommateur. »
De facto, tous les autres moyens de paiements ne le sont pas… par exemple via des commissions interbancaires, qui sont payées par les commerçants et/ou par l’usager.
Sous couvert de lutte contre la fraude fiscale, notre société ne dérive-t-elle pas vers une énième atteinte à nos libertés individuelles, un traçage qui peut mener à des dérives inquiétantes ?
Penser que ce principe de démonétisation pourrait s’étendre à d’autres prestations sociales, le RSA ou la retraite, ne semble pas être de la paranoïa : le principe de supprimer la possibilité de toucher son aide en argent liquide, pour les demandeurs d’asile, est le fruit d’une expérimentation qui a été menée en Guyane à la demande du Ministère de l’intérieur, depuis quelques mois :
Demande d’asile : la Guyane expérimente un nouveau dispositif de versement des allocations
L’objectif officiel : favoriser le commerce local, mais est-ce le vrai objectif ?
L’OFII, en charge de cette expérimentation, refuse de diffuser les résultats détaillés, mais a quand même publié ce « bilan » :
» Plus de 1400 cartes aux alentours de 15 000 transactions de paiement par mois, c’est-à-dire une moyenne de 10 par carte et par mois. Le montant global de la dépense ADA en Guyane est aux alentours de 500 000 euros par mois. Plus de 65 % des transactions concernent l’alimentation, le reste concerne des soins médicaux, l’habillement, l’essence ou la quincaillerie.«
Nous pouvons en conclure que ce nouveau fonctionnement a permit à l’OFII de « tracer » précisément tous les achats effectués. Cette collecte des données se fait-elle dans le respect de la RGPD ?
Expérimentation de 6 mois en Guyane, puis tentative de faire passer le fonctionnement en métropole, au coeur de l’été (annonce initiale le 2 aout pour une effectivité au 5 septembre) : difficile de ne pas y voir une tentative, ratée, de passage en douce en profitant des congés des associatifs et autres défenseurs des droits fondamentaux…
Ca ne sera jamais transposé au RSA ?
Pourtant une expérimentation était prévue pour janvier 2019… en Guyane ! puis a été reportée à juillet. Le Conseil d’Etat a heureusement censuré cette mesure, considérant qu’une démonétisation partielle du RSA reviendrait à « priver les bénéficiaires de la libre disposition de la ressource qui leur est ainsi allouée » : https://tinyurl.com/yyfl7mnw
Par contre une démonétisation totale de l’aide aux demandeurs d’asile, ça ne pose pas de souci ? La préférence nationale serait-elle déjà en vigueur ?
Dans ce cas précis il restait quand même la possibilité de retirer une partie en argent liquide, mais jusqu’à quand ?
Le gouvernement aurait donc su ce qu’ont acheté les bénéficiaires, où et quand.
Quelle sera la prochaine expérimentation prévue ? Une remise en question de l’aide versée en fontion des achats ?
« Dis moi ce que tu achètes et où, je te dirais si tu mérites de l’aide » ?
Cette question touche aussi des sujets annexes inquiétants, voir article de Nicolas Bourgoin, docteur de l’Ecole des Hautes Etudes en sciences sociales :
Disparition de l’argent liquide et puçage de masse : vers la dictature intégrale.
Annexes :
Manifestation prévue le 31 aout, à l’appel de « United Migrants » et « Ofiora ».
Communiqué du RESOME : OFII – flagrant délit de mensonge
BFM – La réforme de la carte bancaire des demandeurs d’asile suscite la polémique
Le courrier de l’Atlas – La nouvelle mesure qui pourrait léser les demandeurs d’asile
Mon Europe à moi… est ouverte et solidaire

Ouverte sur le monde, solidaire entre ses États-membres et solidaire avec les pays tiers.
Mon Europe à moi, elle a des frontières, mais celles-ci ne s’ouvrent pas que pour les marchandises qui vont améliorer le confort des Européens, ou pour que nos retraités aillent finir leur jour au soleil.
Mon Europe à moi n’accuse pas hypocritement les ONG de complicité avec les passeurs, elle sait que la véritable cause des morts en mer et du commerce mortifère des mafias esclavagistes, c’est le refus d’ouvrir des voies légales d’immigration.
Mon Europe à moi condamne et exclue la Hongrie, quand celle-ci criminalise l’aide humanitaire aux étrangers (1).
Dans mon Europe à moi, les partis progressistes ne soutiennent pas un règlement qui forceraient les étrangers à demander l’asile dans des pays comme la Hongrie (2).
Mon Europe à moi n’accepte pas que des pays comme la France osent bafouer la convention européenne des droits de l’Homme, en séparant de force des familles (3).
Mon Europe à moi a la même devise que l’Union Européenne, « Unis dans la diversité ».
Mais sa diversité est universelle, elle considère les différences culturelles comme une richesse, qu’elles soient de notre continent ou d’ailleurs.
Mon Europe à moi a du mal à se retrouver dans ses représentants politiques. Elle s’incarne plus dans la société civile, les milliers de bénévoles qui passent l’humain et l’environnement avant les intérêts commerciaux et qui ont compris que notre continent devait partager ses richesses avec le monde.
Dans mon Europe à moi, quand une loi est inhumaine il est juste et légitime de ne plus la respecter.
Mon Europe à moi, aujourd’hui, n’a pas de leader politique, hélas.
Mais elle est incarnée par 2 jeunes femmes courageuses, 2 capitaines qui sauvent l’honneur de l’Europe.
https://you.wemove.eu/…/for-justice-and-solidarity-free-car…
(1) https://www.lemonde.fr/…/la-hongrie-adopte-une-loi-interdis…
(2) http://www.15h52.net/reforme-du-reglement-dublin/
(3) https://www.ldh-france.org/letat-viole-la-loi-et-les-princ…/
Dublin 4

INTRODUCTION
Le règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013, dit « Règlement Dublin 3 », est un texte normatif de l’Union européenne permettant de définir quel est le pays européen responsable de la demande d’asile d’un ressortissant hors-UE.
Entré en vigueur le 19 juillet 2013 et appliqué à partir du 1er janvier 2014, il succéde au règlement « Dublin 2 ». Ce règlement pose d’énormes soucis et n’a jamais vraiment fonctionné. Pour plus de détails sur les raisons de son dysfonctionnement, voir cet article : Le règlement DUBLIN : injuste et irrationnel.
Une réforme a été initiée, d’abord par le Commission Européenne, puis retravaillée par le Parlement Européen. Elle est actuellement au point mort mais devrait potentiellement être rediscutée à moyen terme. Une vigilance me semble importante afin de ne pas laisser aboutir une réforme qui irait vers une version encore plus restrictive des droits fondamentaux des demandeurs d’asile.
Cet article tente de retracer l’historique du projet de réforme et d’en détailler les potentielles conséquences effectives. Ensuite sont listées les positions des principaux partis « progressistes », qui me semblent parfois contradictoires, puis des suggestions d’évolution. Mon objectif n’est pas d’accuser ou de nuire à qui que ce soit. Je considère juste qu’en tant que citoyen engagé il m’est permit d’interpeller et interroger les parlementaires quand je crois constater une contradiction entre les propos, les votes et les programmes, y compris avec ceux dont je partage les valeurs.
Je ne suis pas juriste, je ne suis affilié à aucun parti politique. Je suis un bénévole qui accompagne depuis 3 ans des demandeurs d’asile dublinés dans la défense de leurs droits juridiques et fondamentaux. Dans ce cadre j’étudie les articles de ce règlement, avec les avocats spécialisés, afin de voir comment faire sortir de cet enfer administratifs les exilés.
J’ai rédigé un « guide de l’accompagnement juridique d’une personne en procédure Dublin« , qui doit être mis à jour pour s’adapter à la nouvelle loi et aux nouvelles pratiques en cours. J’ai une connaissance empirique de l’application de ce règlement. Pour autant ce document est la synthèse d’un travail de recherche et de réflexions personnelles. Il ne s’agit pas d’un document officiel, les avis exprimés dans ce document n’engagent que moi. Si vous voyez des erreurs ou souhaitez faire des commentaires, contactez-moi ou laissez un commentaire en bas de page.
HISTORIQUE
La Commission Européenne a lancé en 2015 un « agenda européen en terme de migration« , avec plusieurs dates clés. Le but était de répondre à la première grande vague, notamment sur la route des balkans. Les premières annonces portaient sur des renforcements des programmes de relocalisation, et une politique de retour plus efficiente… mais aussi un renforcement des moyens aux frontières.
Le 4 mai 2016, une première esquisse du projet de réforme du règlement Dublin a été proposée par la Commission européenne (CE).
La fiche de procédure
Il s’agit d’une procédure législative ordinaire : la Commission, sous l’impulsion du Conseil européen propose un texte, une des commissions du Parlement travaille sur ce texte. Le Conseil de l’UE donne aussi ses objections. Lors de cette session plénière, tous les amendements doivent être votés. Après l’adoption du texte par une majorité simple, (le cas le plus fréquent) il sera envoyé au Conseil de l’UE.
Le vote au Conseil est à la majorité qualifié. La majorité qualifiée doit rassembler au moins 55% des États membres (soit un minimum de 16 États) et 65% de la population. Il existe une minorité de blocage qui doit inclure au moins quatre États membres représentant 35% de la population, sinon on considère que la majorité qualifiée est atteinte.
Le principe d’une procédure législative ordinaire.
Schéma pour mieux comprendre le fonctionnement des organes de l’Union Européenne.
La proposition de la Commission européenne était particulièrement restrictive.
La fiche mémo de cette proposition | Le détail de la proposition.
La commission européenne des libertés civiles a demandé une étude sur ce projet, à Francesco Maiani, professeur de droit européen à l’Université de Lausanne. Son rapport est sans appel et détaille point par point en quoi ce projet était non seulement voué à l’échec, mais en plus ne respectait pas les conventions et le droit international.
Cette proposition a donc été étudiée par le Parlement Européen (PE). Pour la proposition de réforme Dublin 4, Cecila Wikstrom du groupe ALDE (Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe) était rapporteur et a fait la première version du texte. Elle a travaillé avec les députés qui ont été désignés par leur groupe jusqu’à ce qu’il y ait une majorité qui se dégage. Tous les députés peuvent déposer des amendement, et c’est en réalisant des accords sur les modifications du texte recouvrant une majorité que l’on construit les fameux consensus, article par article, voire paragraphe par paragraphe.
Voici le détails des différentes étapes de la proposition du PE : Première proposition du 24 février 2017
Puis les amendements proposés, le 4 avril 2017 :
- Amendements 110 à 285
- Amendements 286 à 534
- Amendements 535 à 771
- L’avis de la commission des affaires étrangères
- L’avis de la commission du budget
Les amendements proposés le 5 juin 2017 :
La version finale est consultable ici : a-8-2017-0345_fr.pdf
La proposition en détail
Cette proposition de réforme du PE a été présentée comme étant “positive” par rapport à la version 3 actuelle. Il me semble que ça n’est absolument pas le cas.
Le tableau ci-dessous tenter de dresser une synthèse du fonctionnement de la version 3, actuellement en vigueur, comparée au projet de réforme du Parlement européen. Les changements sont surlignés dans la colonne de droite.
DUBLIN 3actuellement en vigueur |
DUBLIN 4proposition du Parlement Européen |
Critère obligatoire n°1Si le demandeur est un mineur isolé : il peut déposer sa demande d’asile dans le pays où se trouve un parent ou un frère ou sœur, en situation régulière.ARTICLE 8 |
Pas de changement |
DUBLIN 3actuellement en vigueur |
DUBLIN 4proposition du Parlement Européen |
Critère obligatoire n°2Si le demandeur a déjà un conjoint(e) et/ou un enfant mineur bénéficiaire d’une protection internationale dans un autre Etat membre, c’est ce dernier qui est responsable de la demande d’asile.ARTICLE 9 |
Critère obligatoire n°2Si le demandeur a déjà un conjoint(e) et/ou un enfant mineur et/ou un frère ou une sœur bénéficiaire d’une protection internationale dans un autre Etat membre, c’est ce dernier qui est responsable de la demande d’asile. |
Critère obligatoire n°3Si le demandeur a déjà un conjoint(e) et/ou un enfant mineur en cours de demande d’une protection internationale dans un autre Etat membre, c’est ce dernier qui est responsable de la demande d’asile.ARTICLE 10 |
Critère obligatoire n°3Si le demandeur a déjà un conjoint(e) et/ou un enfant mineur et/ou un frère ou une sœur en cours de demande d’une protection internationale dans un autre Etat membre, c’est ce dernier qui est responsable de la demande d’asile. |
Cette proposition d’ajout des frères et soeurs dans la liste des personnes de la famille est une avancée positive. L’idéal aurait été d’inclure les parents.
DUBLIN 3actuellement en vigueur |
DUBLIN 4proposition du Parlement Européen |
Critère obligatoire n°4En cas de responsabilités différentes pour les membres d’une même famille, la responsabilité de l’ensemble de la cellule familiale revient au pays ayant la charge du plus grand nombre, y compris les enfants mineurs accompagnants. En cas d’égalité de nombre, c’est l’État responsable de la demande du plus âgé ;ARTICLE 11 |
Pas de changement |
DUBLIN 3actuellement en vigueur |
DUBLIN 4proposition du Parlement Européen |
Critère obligatoire n°5Si le demandeur est titulaire d’un titre de séjour ou d’un visa en cours de validité, l’Etat membre responsable est celui qui a délivré le titre de séjour ou le visa.ARTICLE 12 |
Pas de changement |
DUBLIN 3actuellement en vigueur |
DUBLIN 4proposition du Parlement Européen |
Critère obligatoire n°6Lorsqu’il est établi que le demandeur a franchi irrégulièrement la frontière d’un État membre dans lequel il est entré en venant d’un État tiers, cet État membre est dès lors responsable. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. Dans ce dernier cas, s’il est établi que le demandeur a séjourné dans un État membre pendant une période continue d’au moins cinq mois avant d’introduire sa demande de protection internationale, cet État membre est responsable.ARTICLE 13 |
Critère supprimé |
Cette suppression du critère du pays d’entrée est positif, il faisait peser le poids de l’accueil sur les pays frontaliers.
DUBLIN 3actuellement en vigueur |
DUBLIN 4proposition du Parlement Européen |
Critère obligatoire n°7
|
Critère supprimé |
DUBLIN 3actuellement en vigueur |
DUBLIN 4proposition du Parlement Européen |
Critère obligatoire n°8
|
Critère supprimé |
DUBLIN 3actuellement en vigueur |
DUBLIN 4proposition du Parlement Européen |
Lorsqu’il est impossible de transférer le demandeur sur la base des critères énoncés ci-dessus, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable devient l’État membre responsable.ARTICLE 3.2 |
Lorsqu’il est impossible de transférer le demandeur sur la base des critères énoncés ci-dessus, l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale est déterminé conformément à un mécanisme d’attribution correcteur. |
Actuellement si aucun des critères obligatoires n’était rempli, c’est le pays ou la demande était déposée qui devenait responsable. Avec la proposition du parlement, il serait imposé au demandeur de choisir parmi 4 pays de destination, déterminés selon une «clé de répartition» prenant en compte le plus bas nombre de demandeurs d’asile relatif à la population et au PIB, sur les 5 dernières années (hors 2015).
La clé de référence est complexe mais une simulation rapide, sur l’année 2018, montre que les 10 derniers pays du classement sont : Bulgarie, Croatie, Lituanie, Portugal, Pologne, Roumanie, Lettonie, Estonie, Hongrie et Slovaquie.
La proposition du parlement forcerait donc les demandeurs d’asile à déposer leur demande dans un pays qu’ils n’ont pas choisi, qui plus dans un des pays les moins accueillants de l’Union européenne. Si ces pays refusent, ils devront payer une «amende» de 50 000 à 100 000 € par demandeurs d’asile refusé.
L’objectif de vouloir une plus grande solidarité européenne peut sembler en effet positive, mais dans les faits cette “clé de répartition” nie totalement la volonté et l’intérêt du demandeur d’asile. Les pays qui accueillent le moins de demandeurs d’asile sont ceux qui ne souhaitent pas les accueillir et que les demandeurs d’asile ne souhaitent pas comme pays d’accueil.
Comme expliqué précédemment, les pays en question pourront “refuser” en payant une compensation financière. S’ils refusent de payer, les sommes correspondantes pourront être prises sur les fonds européens normalement perçus. Il n’est pas explicité ce qui se passera si les 4 pays déterminés par le cé de répartition refusent.
Outre les critères obligatoires ci-dessus, le règlement Dublin prévoit 2 critères facultatifs :
DUBLIN 3actuellement en vigueur |
DUBLIN 4proposition du Parlement Européen |
Critère facultatif n°1
|
Critère facultatif n°1
|
DUBLIN 3actuellement en vigueur |
DUBLIN 4proposition du Parlement Européen |
Critère facultatif n°2
|
Chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement.
|
La Commission Européenne souhaitait supprimer ces clauses discrétionnaires. Le Parlement Européen a souhaité les conserver, et les élargir aux aux liens sociaux et linguistique et aux facilités d’intégration. Sur le papier c’est une très bonne chose, sauf que ces critères sont facultatifs. Sous leur forme actuelle, ils ne sont quasiment jamais appliqués : à peine 90 fois sur plus de 90 000 demandes sur les 4 dernières années, en France. Cette proposition est donc purement “cosmétique” et n’aura pas d’effet. Cette proposition aurait par contre été très positive si elle avait été définie comme un critère obligatoire.
DUBLIN 3actuellement en vigueur |
DUBLIN 4proposition du Parlement Européen |
Le règlement prévoit également des délais de procédure qui, s’ils ne sont pas respectés, entraînent une annulation de la procédure : Si l’expulsion (transfert) n’a pas été effectué dans un délai de 6 mois à compter de la réponse du premier pays. Ce délai passe à 18 mois si le demandeur n’a pas respecté ses obligations liées à la procédure.ARTICLE 29 |
Article supprimé. |
Actuellement, les demandeurs d’asile dublinés peuvent faire le choix, certes difficile, d’attendre dans la clandestinité pendant 18 mois l’expiration des délais de transfert. Passé ce délai, ils peuvent déposer une demande d’asile dans le pays qu’ils ont choisi. Ca n’est pas une bonne chose dans l’absolu, et génère des situations de précarité. Pour autant c’est le seul moyen actuel d’accéder au pays d’asile de leur choix.
La suppression de l’expiration des délais de transfert restreint encore les possibilités pour les demandeurs d’asile.
DUBLIN 3actuellement en vigueur |
DUBLIN 4proposition du Parlement Européen |
Les coûts nécessaires à l’expulsion d’un demandeur vers le pays responsable de la demande d’asile sont à la charge de l’État membre procédant au transfert. |
Les coûts nécessaires à l’expulsion d’un demandeur vers le pays responsable de la demande d’asile sont à la charge du budget général de l’Union. |
Ce basculement des frais de transfert à la charge du budget de l’UE est un moyen de pression supplémentaire sur les Etats membres : pour ne plus avoir à en supporter les frais, les Etats membre devront respecter le règlement.
QUELS SONT LES PARTIS QUI ONT SOUTENUS CETTE PROPOSITION ?
Cette proposition, qui pour moi restreint les droits des demandeurs d’asile, a été soumise au vote au Parlement Européen le 16 novembre 2017.
Le détail des votes est consultable ici.
Pour la France, ont voté CONTRE :
– le FN : 22 voix (ce qui est logique, ils sont contre le fait qu’on impose l’accueil aux Etats membre).
– 1 voix pour les Républicains (si on considère que Nadine Romano n’est pas d’extrême-droite…)
Les voix POUR :
– 18 des Républicains ou de droite
– 4 du centre
– 8 du PS
– 2 de EELV
– 2 de Génération.s
– 1 de LFI
– 3 du Front de Gauche / PCF
– 1 des Radicaux de gauche
Personnellement je ne m’explique pas pourquoi les partis dit “progressistes” ont voté et soutenu cette proposition. Il y a pour moi une contradiction entre cette proposition de réforme et certaines prises de position officielles des partis candidats aux élections européennes. Je ne me permettrais pas de dire que ces contradictions sont volontaires, je continue de penser que la grande majorité des députés européens de ces partis ont une réelle volonté d’améliorer la situation des demandeurs d’asile dublinés. Certains m’ont affirmé que la proposition du Parlement allait dans le sens du “libre choix du pays d’asile”, ce qui n’est pas le cas. Je crains que certains d’entre eux n’aient pas pris conscience de la portée effective de l’application des articles qu’ils ont soutenus.
Je détaille ci-dessous les prises de position des différents partis « de gauche » à l’occasion des élections européennes, sur la question du règlement Dublin, et indique en commentaire ce qui me semble contradictoire. Evidemment si des personnes de ces partis considèrent qu’il y a des erreurs ou veulent apporter des commentaires ou rectificatifs, elles sont les bienvenues. Je ne me suis attaché qu’à la question du règlement Dublin, toutes ces listes ont par ailleurs des propositions très positives sur la question de la politique migratoire (ouverture de voies légales d’immigration, mis en place d’un GIEC de l’Immigration, uniformisation des conditions d’obtention de l’asile, etc.).
Liste « Pour le Climat »
Europe Ecologie les verts
Livret « Qu’est-ce qu’on attends pour accueillir dignement les migrant.e.s«
« Au niveau européen, le groupe des écologistes a réussi à faire adopter par le Parlement européen des positions fortes face à l’échec des propositions de la Commission européenne et à la désunion des États. En septembre 2016 le Parlement a ainsi pris position en faveur d’une clef de répartition contraignante pour la relocalisation de tou.te.s les réfugié.e.s entre les États membres en fonction de leurs capacités d’accueil. Le groupe écologiste travaille également à la refonte du règlement Dublin, dans le cadre de la réforme « Dublin IV » présentée en 2016, en défendant un système d’asile européen basé sur la solidarité, le partage des responsabilités entre les États membres et la mise en place de critères objectifs et contraignants.«
Le programme officiel des européennes semble soutenir la position d’imposer le pays d’asile.
Pourtant, dans cet article, Sophie Bussière répond : « Nous proposons de réformer la politique d’asile, via le remplacement du règlement de Dublin par une gestion communautaire directe et unifiée de l’asile, garantissant l’accueil solidaire et équitable à travers l’Union, de manière contraignante pour les États-membres, et tenant compte des demandes des migrants.«
Il y a là pour moi une contradiction : soit on contraint les Etats membre, soit on respecte le choix des exilés, mais il n’est pas possible de faire les deux.
2 députés EELV ont voté pour la proposition du PE en novembre 2017
Suite aux élections européennes, cette liste aura 13 députés :
Yannick Jadot (absente au moment du vote en 2017), Michèle Rivasi (absente au moment du vote en 2017), Damien Carême, Marie Toussaint, David Cormand, Karima Delli (absente au moment du vote en 2017), Mounir Satouri, Caroline Roose, François Alfonsi, Salima Yenbou, Benoit Biteau, Gwendoline Delbos-Corfield, Claude Gruffat
Liste « Envie d’Europe »
Parti socialiste / Place publique / Nouvelle Donne / Parti radical de gauche
Programme officiel : « Nous mettrons fin au règlement de Dublin qui renvoie les demandeurs d’asile vers les pays de première entrée qui se retrouvent seuls en Europe à assurer le premier accueil. Nous défendrons la solution alternative mise au point par le Parlement européen.«
Dans un article de Marianne : « …nous remplacerons le règlement de Dublin par un véritable outil centralisé de répartition des demandeurs d’asile solidaire et équitable.«
Sur la question de la réforme du règlement Dublin, le positionnement semble soutenir sans ambiguïté la proposition du Parlement Européen, et avoir comme objectif d’imposer le pays d’asile aux demandeurs.
8 députés PS ont voté pour la proposition du PE en novembre 2017
Suite aux élections européennes, cette liste aura 6 députés :
Raphaël Glucksmann, Sylvie Guillaume (a voté POUR en 2017), Eric Andrieu (a voté POUR en 2017), Aurore Lalucq, Pierre Larrouturou, Nora Mebarek
Liste « L’Avenir en commun, en Europe aussi ! »
La France insoumise
Dans le programme officiel, il est écrit : « Mettre fin aux règlements de Dublin qui placent les exilé.e.s dans des situations absurdes où ils ne peuvent ni rejoindre le pays qu’ils souhaitent ni être régularisés dans celui où ils se trouvent ! Mettre en place des règles d’harmonisation du système d’asile et refuser le principe de « pays tiers sûrs » visant à « sous-traiter » l’examen des demandes d’asile en contradiction avec le droit d’asile prévu par la Constitution française.«
A la question de Marianne « Faut-il supprimer le règlement Dublin », Manon Aubry a répondu : « Oui. Ce règlement place les exilé.e.s dans des situations absurdes où ils ne peuvent ni rejoindre le pays qu’ils souhaitent, ni être régularisés dans celui où ils se trouvent. Le politique d’accueil doit être coordonnée sur une base de solidarité et de bon sens.«
A la question de Marianne « Faut-il créer un mécanisme européen de droit d’asile ? » :
« Non. Un mécanisme européen de traitement des demandes d’asile serait une grave atteinte à la souveraineté des Etats membres. Au niveau européen, les accords de Dublin doivent faire place à une logique de coopération des Etats et de convergence des règles de chacun.«
Cette liste ne semble pas soutenir le principe d’imposer le traitement des demandes d’asile aux Etats membre.
Pour autant 1 député LFI a voté pour la proposition du PE en novembre 2017, ce qui est contradictoire.
Suite aux élections européennes, cette liste aura 6 députés :
Manon Aubry, Manuel Bompard, Leïla Chaibi, Younous Omarjee (a voté POUR en 2017), Anne-Sophie Pelletier, Emmanuel Maurel (a voté POUR en 2017, sous étiquette PS)
Liste « Vive l’Europe Libre »
Generation.s
Dans le programme « European Spring » il n’est pas question spécifiquement du règlement Dublin.
Dans la liste des propositions figurant sur le site, il est écrit : « Proposition 20. Accueillons dignement les migrant.es, c’est notre devoir ! Fin de « Dublin » et politique européenne de l’accueil et de l’asile. L’Europe s’est construite sur des valeurs humanistes. Pourtant la Méditerranée est aujourd’hui la mer la plus mortelle du monde. Nous demandons le respect de ces valeurs grâce à un régime commun de l’asile en Europe. Nous voulons la fin du soutien aux opérations de renvois de personnes interceptées dans l’espace maritime le plus mortel du monde. L’Europe doit se doter d’une agence indépendante de recherche et de sauvetage (visant à sauver, accueillir et gérer l’entrée des migrant.es en Europe)« .
A la question de Marianne « Faut-il supprimer le règlement Dublin », Benoit Hamon a répondu « Oui. Le règlement de Dublin 3 est contraire à l’idée même d’Europe et porte la responsabilité des traitements indignes envers les exilés, de la montée de l’extrême droite en Italie et même en Espagne. Il est urgent de construire une politique européenne solidaire, ou à défaut entre certains pays dans le cadre d’une coopération renforcée.«
Il n’est donc pas explicitement indiqué un soutien à la proposition de réforme du parlement Européen, pour autant 2 eurodéputés Generation.s, Isabelle Thomas et Guillaume Balas, ont voté POUR cette proposition en 2017, ce qui est contradictoire.
Suite aux élections européennes cette liste n’aura pas députés élus.
« Pour l’Europe des gens contre l’Europe de l’argent »
Parti communiste français
A la question de Marianne « Faut-il supprimer le règlement Dublin », Yan Brossat a répondu : « Oui. Nous devons organiser l’accueil de ceux qui fuient la guerre et la misère. Nous demandons une clé de répartition des arrivées intégrant l’ensemble des pays de l’Union. La Hongrie est contente d’accueillir les généreuses subventions européennes ; que Budapest respecte donc les règles communes et se montre solidaire des capitales européennes si elle veut continuer à profiter de l’argent des autres pays-membres à l’avenir. »
Dans leur manifeste « Pour une France hospitalière et fraternelle, une Europe solidaire« , il est écrit : « À ce jour, les règlements de Dublin font peser tout le poids de l’accueil sur les pays d’entrée : Italie et Grèce d’abord. Nous soutenons l’abrogation des règlements dits « de Dublin », et la mise en œuvre d’une solidarité européenne dans l’accueil des migrants. Une des propositions que nous soumettons est que les pays de première entrée dans l’UE ne soient plus automatiquement responsables des demandeurs d’asile. À leur arrivée, un dispositif d’accueil doit les prendre en charge, se renseigner sur l’existence de liens familiaux, professionnels ou scolaires dans d’autres États membres.
L’existence de tels liens doit permettre aux personnes d’être directement installées dans le pays concerné, qui deviendrait alors responsable de la demande d’asile.
Si de tels liens n’existent pas, le demandeur d’asile serait automatiquement confié à un État membre sur la base d’une clef de répartition définie par l’UE.
Par ailleurs, nous proposons qu’il soit possible de s’enregistrer en tant que groupe de trente personnes maximum qui seraient relocalisées ensemble dans un même pays.«
Ces propositions correspondent à la proposition de réforme du Parlement Européen, si ce n’est que dans la formulation du manifeste la prise en compte des liens familiaux, culturels, etc. sont prioritaires, ce qui est une très bonne chose… Il semble donc contradictoire d’avoir cette position et d’avoir dans le même temps soutenu et voté la proposition du Parlement, qui ne les a placé que dans une clause facultative et inappliquée.
3 députés PCF ont voté pour la proposition du PE en novembre 2017
Suite aux élections européennes cette liste n’aura pas députés élus.
UNE VIGILANCE INDISPENSABLE
La proposition de réforme est pour l’instant « en sommeil », mais elle devrait potentiellement revenir en discussion à moyen terme. Il est indispensable d’être vigilant sur ce que vous soutenir et voter nos députés européens. Je suis conscient qu’ils n’ont qu’une marge de manœuvre réduite, au vu des rapports de force qui ne leur sont pas favorable. Pour autant il leur sera possible de déposer des amendements afin d’améliorer l’actuelle proposition.
Voici le sens des amendements qui me sembleraient intéressants :
- Faire en sorte que la prise en compte des liens familiaux, culturels, sociaux, capacités linguistiques, liens facilitant l’intégration, deviennent des critères obligatoire de détermination de l’Etat membre responsable.
Pourquoi ? Parce que les demandeurs d’asile choisissent le pays selon des critères objectifs et de bon sens, à savoir ceux ou ils savent que leur intégration sera facilitée, ce qui est positif à la fois pour eux, pour le pays choisi, et pour l’Europe. - Si aucun des critères obligatoires n’est possible, et qu’aucun des pays déterminés par la clé de répartition n’accepte la prise en charge : faire en sorte que le demandeur puisse choisir l’Etat membre responsable de sa demande d’asile.
Pourquoi ? Parce que tendre vers une plus grande solidarité des Etats membres est indispensable, mais ne doit pas se faire en détriment de l’intérêt des demandeurs d’asile. Il ne sera pas possible de « forcer » un pays à être accueillant et à offrir des conditions d’accueil dignes. Pour autant il n’est pas normal que certains Etats membres bénéficient des aides de l’Union Européenne mais refuse d’en partager les charges financières liées au respect des traités internationaux et donc au respect du droit d’asile. Ainsi les Etats membres pourraient refuser une prise en charge, mais devrait verser une participation financière qui alimenterait les fonds européens.
Les commentaires sont les bienvenus, si vous avez d’autres idées, si vous repérerez des erreurs, si vous avez moyen de contacter vos députés européens et pouvez apporter des précisions sur leur position, etc.
Dans la peau d’un « dubliné »

Pour mieux appréhender la réalité de ce que vivent les demandeurs d’asile dublinés, je vous propose un « jeu de rôle ». Pour cela, nous allons faire un peu de « politique fiction », je vous demande de faire un effort pour rentrer dans le scénario que je vais vous décrire.
Imaginez que d’ici quelques années, en Afrique, la situation s’est grandement améliorée. Certes, sur le continent africain certains pays sont gouvernés par l’extrême-droite, mais on peut dire que la majorité des pays sont dans des régimes démocratiques. Certes, tout n’est pas rose, il y a des mouvements contestataires qui réclament plus de justice sociale, mais on y meurt pas de faim, l’école est gratuite, les enfants ont un avenir. Celui-ci sera sans doute semé d’embûches pour les plus modestes, mais ils ont un avenir.
Par contre en Europe, c’est l’inverse. La plupart des pays européens sont dans de graves crises politiques. Des partis extrémistes ont pris le pouvoir, la liberté d’expression est menacée, le droit de manifester aussi. Jusqu’ici, nous ne sommes, hélas, pas encore totalement dans la fiction… Imaginons que l’économie s’effondre, il ne soit même plus question de gilets jaunes et de recherche de justice sociale, mais de chercher à ne pas mourir de faim. Vous n’avez plus les moyens d’envoyer vos enfants à l’école, ils sont obligés de travailler pour vous aider à survivre. Dans certains pays des organisations intégristes pillent, enlèvent ou tuent les civils. Pas le peine de chercher le soutien du gouvernement, de la police ou de l’armée, ils sont impuissants, parfois complices. Dans d’autres pays les jeunes sont obligés de rentrer dans l’armée, sans espoir d’en sortir un jour.
Voici pour la situation en Europe, et dans notre pays.
Vous décidez de ne pas vous résigner. Vous n’acceptez pas l’idée que votre famille n’ait pas d’avenir, de risquer votre vie pour vos opinions politiques, que vos enfants n’accèdent jamais à l’éducation. Alors vous décidez de partir, vous choisissez le Mali, parce que c’est un pays francophone déjà, et en plus vous y avez un frère qui y habite depuis quelques années. Pour le voyage vous auriez bien aimé juste prendre un avion, avec votre visa, mais… là aussi les choses ont changé. Les africains peuvent se rendre dans près de 200 pays dans le monde, sans même avoir besoin de visa, comme vous il y a quelques années. Mais aujourd’hui c’est l’inverse, votre passeport s’est dévalué, vous ne pouvez aller plus que dans une vingtaine de pays sans visa, et encore, aucun de ces pays n’est sur le continent africain.
Vous envisagez de prendre un visa touristique, mais… à moins d’avoir des relations bien placées, c’est impossible.
Vous prenez conscience de la réalité : plus le besoin de migrer est vital, plus il est entravé, que la « politique migratoire », comme ils l’appellent, consiste uniquement à empêcher les habitants des pays pauvres à venir dans les pays plus riches.
Vous n’avez pas le choix, vous allez devoir passer par des réseaux de passeurs, qui s’enrichissent sur le malheur des autres, bien aidé par la fermeture des frontières que les gouvernements africains ont mis en place.
Le voyage par ces réseaux mafieux coûte cher, beaucoup plus cher que le billet d’avion qu’utilisent les africains quand ils viennent parfois sur votre continent, en touriste.
Vous n’avez donc pas les moyens de payer le trajet pour toute la famille. Il faut se résoudre à choisir lequel d’entre vous partira. Le plus vaillant, le plus débrouillard, celui qui parle le mieux l’anglais… Après de longues hésitations, c’est vous qui y allez. Vous confiez votre famille à vos parents, qui se sont cotisés pour financer votre périple.
Chaque passage de frontière est difficile, il vous faudra parfois plusieurs mois, voire plusieurs années avant d’arriver en Italie, depuis lequel sont organisés des traversées vers l’Afrique. En plus, en Italie, comme en Libye aujourd’hui, vous ferez un passage en prison, arbitrairement. Vous y resterez plusieurs semaines, plusieurs mois, vous serez parfois vendu comme esclave, vous y subirez de la torture, il sera demandé à votre famille de donner de l’argent pour en sortir… Il y a aussi quelques femmes dans la prison, qui sont quasi systématiquement violées. Vous vous félicitez de ne pas être parti avec votre épouse… vous ne savez pas encore que, une fois arrivé, vous serez accusé d’avoir « abandonné votre famille »…
Vous finissez par en sortir, de cette prison. Abimé, mais vivant. Vous avez la « chance » de pouvoir embarquer sur un bateau en plastique, avec un moteur fatigué, sans certitude de pouvoir arriver de l’autre côté. Les chiffres sont là : 1 personne sur 13 meure en tentant la traversée de la Méditerranée. Mais il n’est plus vraiment possible de revenir en arrière.

Après des heures de traversée, un bateau des garde-côtes vous prend en charge, vous n’y croyiez plus. L’eau commençait à monter au fond, déjà plusieurs morts qu’il avait fallu laisser en mer. Vous êtes soulagé, enfin sur un bateau qui ne risque pas de couler… mais celui-ci vous ramène en Italie. A la tentative suivante, vous avez aperçu un bateau de commerce s’approcher, vous avez espéré, mais il s’est finalement éloigné. Vous apprendrez plus tard que c’était sans doute par peur de payer une amende, de 3500 euros par personne recueillie. C’est difficilement imaginable, mais dans le continent ou vous souhaitez demander une protection, un gouvernement à modifié la loi dans ce sens : venir vous sauver la vie devient un délit punissable d’une amende.
A la troisième tentative, vous êtes enfin recueilli par le bateau d’une ONG… le soulagement est de courte durée, vous comprenez vite que ce bateau-là ne vous ramènera pas du mauvais côté, mais pour autant il n’est pas autorisé à débarquer sur le continent africain. Il faudra plusieurs jours avant que ce soit enfin possible.
Vous êtes débarqué en Turquie, enfin arrivé sur un continent ou vous êtes censé être protégé. Vos empreintes sont prises, on ne vous laisse pas le choix. Vous passez une nuit en sureté, dans un centre, le lendemain il vous est demandé si vous souhaitez déposer une demande d’asile en Turquie. Vous répondez que non, votre objectif c’est le Mali, vous y avez un frère, vous parlez la langue. Pas de souci, ils vous laissent repartir, ils vous donnent même un peu d’argent pour payer votre transport jusqu’au Mali.
Arrivé enfin dans ce pays, vous vous présentez aux autorités, vous expliquez que vous souhaitez demander l’asile. Vos empreintes sont prises de nouveau, à la Préfecture, et vous êtes informé que vous êtes bien en « demande d’asile », mais en « procédure Dublin ». Vos empreintes ont été entré dans un fichier européen, qui a ainsi vu une première prise en Turquie, donc vous allez être renvoyé là-bas. Vous expliquez qu’il doit y avoir une erreur, que vous n’avez jamais exprimé le souhait de rester en Turquie, on vous l’a demandé déjà, on vous a même donné de l’argent pour pouvoir en partir. Vous expliquez que vous avez un frère ici, que vous parlez la langue, tout ceci va faciliter votre intégration… Mais rien n’y fait, la préfecture se contente de vous donner un rendez-vous pour dans un mois, en vous expliquant que d’ici là ils vont demander à la Turquie s’ils acceptent de vous « reprendre en charge ». Vous êtes un peu rassuré, la Turquie vous a donné de l’argent pour partir, ils ne vont quand même pas maintenant dire qu’ils souhaitent que vous y retourniez…
Le mois suivant, quand vous revenez, la Préfecture se contente de renouveler votre titre de séjour provisoire, vous reprenez un peu espoir. Depuis un mois vous logez dans un ancien hôtel low-cost, il vous a été expliqué que vous avez déjà de la chance, à peine la moitié des demandeurs d’asile accèdent à un logement… Vous avez théoriquement droit à une petite allocation, 200 euros par mois, mais il faut encore attendre avant que vous puissiez la toucher. Vous ne vous plaignez pas, parce que vous avez commencé à entendre parler autour de vous, à voir les discours dans la presse de certains partis politiques, qui vous considèrent comme un « clandestin », parce que vous êtes entré irrégulièrement. Vous avez envie de leur dire que n’attendiez que ça, vous, de pouvoir entrer régulièrement, vous n’êtes pas responsable du fait que les frontières soient à géométrie variable, ouvertes si vous ne courrez aucun danger dans votre pays, mais fermée à ceux qui viennent demander une protection. Ils disent que vous êtes « privilégié », que vous avez plus d’aide que les habitants du pays… c’est pourtant faux, l’allocation que vous allez toucher, si vous n’êtes pas expulsé avant, est largement plus basse que ce touche les personnes défavorisées. Vous ne demandez qu’à travailler, vous, mais vous n’en avez pas le droit. Le logement qui vous est accordé ne l’est que de manière très ponctuelle, le temps de votre procédure. En attendant, vous vous occupez, vous allez aux cours de langue, donnés par des bénévoles, pour vous perfectionner.
Finalement, au bout de 2 mois vous êtes convoqué de nouveau à la Préfecture, qui vous informe que la Turquie n’a pas répondu à la demande pour vous « reprendre en charge »… mais le règlement est ainsi fait que s’ils ne répondent pas, c’est comme s’ils répondaient oui. Ils appellent ça un « accord implicite ». Vous pouvez quand même déposer un recours devant un tribunal administratif, mais vous n’avez aucune chance de gagner le recours, il faudrait pouvoir prouver que la Turquie a été défaillant dans votre accueil. Ils n’ont pas été défaillant, ils vous ont même donné de l’argent pour partir… mais ça, ça ne rentre pas en compte. Le fait que vous ayez un frère au Mali, le fait que vous parliez français, et pas turc, ça ne rentre pas en compte non plus, le règlement est ainsi fait. La préfecture vous informe également que vous êtes « assigné à résidence », c’est à dire que vous allez devoir aller signer chaque jour au commissariat, jusqu’à votre expulsion. On vous demande de signer plein de papiers, dont un ou vous devez choisir de cocher la case : « J’accepte le transfert vers la Turquie », ou « Je n’accepte pas le transfert vers la Turquie ». Vous avez bien envie de cocher cette deuxième case, mais il est indiqué que dans ce cas vous risquez d’être placé en centre de rétention, que si vous refusez l’embarquement vous risquez…
Donc vous cochez « J’accepte », juste pour ne pas risquer d’aller en rétention.
Quelques jours après, alors que vous allez signer au commissariat, ceux-ci vous informe qu’ils vous placent en rétention parce qu’un vol pour la Turquie est prévu pour demain 6h. Vous ne comprenez pas, vous ne comprenez plus… vous n’avez même pas vos quelques maigres affaires avec vous… vous téléphonez à un autre demandeur d’asile pour qu’il vienne au moins vous porter votre sac à dos avec vos papiers.

Sur le formulaire de placement en rétention, il est écrit que vous pouvez déposer un recours dans les 48h, avec le numéro d’une permanence d’avocat. Mais il est 18h, la permanence est fermée. Vous insistez, vous prévenez des bénévoles qui font le forcing pour que vous puissiez voir au moins un avocat commis d’office. A 22h, enfin, vous en avez un au téléphone, qui dit qu’hélas il n’y a aucune chance d’espérer avoir une réponse d’un tribunal avant l’heure du vol.
Le lendemain, à 5h, les gendarmes vous menottent et vous conduisent à l’aéroport.
Des bénévoles sont sur place, ils tentent de convaincre les passagers et le commandant de bord de refuser votre expulsion, mais au mieux ils vous regardent en compatissant, plus globalement ils détournent le regard, ils n’ont pas envie que l’avion décolle avec du retard.
Ils se disent qu’après tout vous ne serez pas plus mal en Turquie… Ils ne savent pas que ce pays, à cause de règlement, est submergé par les demandes d’asile qui lui sont imposées, qu’il n’a plus les moyens de les prendre en charge. Une fois arrivée à l’aéroport de ce pays, vous n’aurez droit à rien, vous allez dormir dans la rue, sans aucun moyen, en attendant un hypothétique rendez-vous pour déposer une demande d’asile, dans quelques mois. Une demande qui sera vouée à l’échec. Alors qu’au Mali, vous parliez la langue, vous y aviez un frère qui pouvait vous aider à vous intégrer. Depuis la Turquie, vous risquez d’être expulsé vers la France, mais ça les passagers ne le savent pas.
Les passagers ne savent pas non plus qu’en même temps que vous êtes expulsé vers cet autre pays, cet autre pays expulse un étranger vers le Mali. Une sorte de jeu d’échange à résultat nul, qui ça ne change rien au nombre de demandeurs d’asile, ça les force juste à déposer leur demande dans un pays qu’ils n’ont pas choisi. Tout ça pour ça.
Les passagers ne savent pas non plus que tous ces billets d’avion sont à la charge des pays. Donc qu’ils les financent, indirectement. Le coût estimé oscille entre 2,5 et 4,9 milliards par an. Juste pour déplacer des demandeurs d’asile entre les pays, contre leur volonté.
En total contradiction avec la Convention de Genève et la déclaration des droits de l’Homme.
Tout ça vous semble tellement irrationnel, injuste, vous avez du mal à le croire.
Ça ne peut être qu’un mauvais rêve, un cauchemar.
Voilà, le « jeu de rôle » est fini, vous pouvez reprendre votre place actuelle, celle d’un citoyen européen qui n’a pas besoin de quitter sa famille et son pays pour assurer l’avenir.
Ce cauchemar n’est pas le vôtre, il est par contre celui de milliers de « dublinés », qui chaque jour sont confrontés à une politique européenne profondément injuste.
Cette politique européenne, vous n’êtes pas obligé de l’accepter sans réagir.
Ce règlement Dublin n’est pas obligatoire. Son article 17 l’indique précisément : les Etats peuvent accepter d’étudier une demande d’asile, donc de ne pas appliquer ce règlement.
Il est injuste, il ne respecte pas les droits de l’Homme, il coute très cher sans rien changer au nombre de demandeur d’asile… il n’y a aucune raison objective de se résigner.
Vous n’accepteriez pas d’être confronté au scénario que vous venez de lire.
Vous pouvez agir pour refuser que les étrangers y soient confrontés :
- Interpellez votre Préfet pour lui signifier que vous souhaitez qu’il n’applique pas le règlement Dublin
- Interpellez vos eurodéputés pour leur indiquer que vous souhaitez une politique d’immigration respectueuse des droits de l’Homme et du droit d’asile
- Rejoignez une des nombreuses associations qui accompagnent les demandeurs d’asile dans la défense de leurs droits fondamentaux