Mme Le Pen, je suis un français, je suis même ce que vous appelez un « français de souche », même si cette expression n’a aucun fondement. Je fais donc partie du peuple français. Je ne crois pas me souvenir de vous avoir demandé de me défendre. Je ne me souviens pas non plus vous avoir demander de parler en mon nom.
C’est pourtant ce que vous laissez entendre dans votre slogan de campagne : « au nom du peuple ».
L’expression « au nom de » signifie « à la place de ». Or à ce jour, aucune femme ou homme politique n’est légitime à parler « à la place » des français. Le meilleur score de votre parti, en 2015, a été de 6,8 millions d’électeurs, sur 44,6 millions de personnes inscrites sur les listes électorales. Donc au mieux, vous avez rallié à vos idées 15,2% des inscrits.
Vous n’êtes donc pas légitime à parler au nom du peuple français, et vous en accorder le droit est malhonnête.
Vous dites que les français n’en peuvent plus de l’immigration, que nous avons trop de pauvres, trop de chômeurs. Je suis français, je fais partie du peuple français, et je suis un des très nombreux bénévoles qui se sont porté volontaire auprès du CAO de son village.
Rien d’exceptionnel, nous avons été des milliers à le faire, à donner des cours de français, à donner de notre temps pour échanger avec ces milliers de personnes en exil. Parmi les milliers de bénévoles, il y a aussi des chomeurs et des pauvres, qui n’acceptent pas d’être instrumentalisés, ni de servir de caution à une politique égoïste dite de « préférence nationale ».
Je n’aurai pas votre malhonneteté, et ne me permettrai pas de m’exprimer au nom des français. Mais j’ai pu constater que lors des rassemblements de soutien à l’accueil des migrants, nous étions toujours largement plus nombreux que vos rassemblements d’opposition.
Nous sommes nombreux à avoir été heureux de pouvoir participer à leur accueil, à leur montrer que le peuple français était solidaire, déterminé à ne pas laisser le monopole de la parole au rejet et à la peur de l’autre que véhicule votre parti.
C’est vrai, on ne m’a pas demandé mon avis avant d’installer un CAO à côté de chez moi. Si ça avait été le cas, j’aurais dit oui, parce qu’ainsi, nous avons pu, grâce à l’importante mobilisation citoyenne nationale, partout en France, améliorer la situation des Calaisiens, victimes de la mauvaise gestion de l’état du camp calaisien.
Nous sommes nombreux à nous réjouir de la richesse culturelle dont nous avons pu bénéficier, grâce aux échanges avec ces personnes venues de Somalie, du Soudan, d’Ethiopie, d’Erythrée, d’Afghanistan, du Pakistan et de tant d’autres pays. Ces pays, ils ont dû les quitter à contrecoeur. Quitter son pays, sa maison, ses proches, sa culture est un acte difficile et traumatisant qui n’est choisi qu’en dernier recours.
Je ne me réjouis pas de leur exil. Je regrette qu’ils n’aient pas eu l’opportunité de pouvoir vivre sereinement dans leur pays, mais je n’ai hélas aucun pouvoir sur les situations politiques et économiques de leurs pays. Par contre, à partir du moment ou ils sont chez moi, dans mon pays, je peux agir pour faciliter leur intégration.
Ne me dites pas qu’on en fait plus pour les migrants que pour les Français, vous savez que c’est faux. Les aides dont ils bénéficient sont en moyenne 2 fois inférieures aux aides dont bénéficient les Français. Et les personnes qui aident les migrants sont AUSSI pour qu’on aide plus les personnes défavorisées de nationalité française.
Lors d’une émission politique, vous avez égréné les milliards d’euros qu’il était possible d’économiser, entre autres, en luttant efficacement contre l’évasion fiscale. Celle-ci représenterait à elle seule de 50 à 80 milliards d’euros pour la France. Je suis d’accord avec vous, c’est inacceptable. Cet argent devrait être utilisé pour une meilleure politique sociale. Mais je ne fais pas le choix de la préférence nationale, je fais le choix que cet argent servent à toutes les personnes qui en ont besoin. Parce que mettre les étrangers en situation de précarité, leur refuser l’accés aux soins, à l’éducation, n’engendrera que plus de difficultés et de risques de communautarisme.
Je n’adhère pas à « les nôtres avant les autres ».
Je préfère « Les nôtres ET les autres », pour une France ouverte et solidaire.