Le règlement DUBLIN : injuste et irrationnel

2 octobre 2017 Exilés Comments (6) 12418

En France, en 2016, il y eu 85 700 demandes d’asile (67% d’hommes, 33% de femmes, 14 460 enfants).
Environ 40 % de ces demandes ont obtenu une réponse positive, soit 36 500 personnes.

Source : https://www.ofpra.gouv.fr/fr/l-ofpra/actualites/publication-du-rapport-d-activite-5

Ces statistiques ne prennent pas en compte les DUBLINÉS
Les dublinés, ce sont les exilés victimes d’un règlement européen injuste et irrationnel : le règlement Dublin.

En quoi est-il injuste ?

Ce règlement impose aux exilés de demander l’asile uniquement dans le premier pays européen par lequel ils sont entrés… Ou du moins, le premier pays ou ses empreintes sont prises…

Exemple : un Soudanais veut demander l’asile en France : il passe par le Tchad, la Libye… il traverse la méditerranée, dans des conditions dramatiques, en payant très cher des passeurs, et peut-être, arrive jusqu’en Italie. Dans ce pays, ces empreintes sont prises, mais il continue son chemin jusqu’en France, a qui il demande la protection : La France refuse d’examiner sa demande, et l’expulse vers l’Italie. Et il y a des grandes chances pour que l’Italie l’expulse à son tour, parce que ce pays n’est plus en capacité d’accueillir tous les demandeurs d’asile.

Autre exemple : un Afghan souhaite demander l’asile en Norvège : il passe par l’Iran, la Turquie, la Grèce, la Macédoine, la Serbie, la Croatie, la Slovénie, l’Autriche, l’Allemagne, le Danemark, la Suède et enfin la Norvège tout ça sans que ses empreintes soient prises.
Mais la Norvège lui refuse le statut de réfugié.
Alors il vient en France, mais la France refuse d’examiner sa demande, et l’expulse vers la Norvège, ou pourtant l’asile lui a été refusé, donc ce pays risque de l’expulser à son tour en Afghanistan.

Ce règlement Dublin fait partie de ce qu’on appele le « RAEC », le Régime d’asile européen commun.
Mais ce qui caractérise la politique européenne d’asile, c’est plutôt l’inégalité…

Prenons les statistiques de 2016 :
A situation égale, un afghan qui demande l’asile en Norvège a 34% d’obtenir une réponse positive.
Alors qu’en France, il a 82% de chances. En Belgique : 7%.
Un Somalien, lui, aura en France 38% de chances, mais 82% en Allemagne, et 68% en Bulgarie.


Source : http://ec.europa.eu/eurostat/data/database

Ce qui est injuste, c’est que ce règlement impose aux exilés de déposer une demande d’asile dans un pays ou ils ont potentiellement moins de chances d’obtenir le statut de réfugié.

Ca règlement est aussi totalement irrationnel !

L’année dernière, la France a expulsé 1293 personnes vers d’autres pays européens, en leur refusant de pouvoir déposer une demande d’asile en France.
Mais le règlement Dublin marche dans les 2 sens !
Dans le même temps, les autres pays européens ont expulsé vers la France… 1257 personnes, qui ne voulaient pas demander l’asile chez nous.

Tout ça pour « rien »…
Du moins, « rien », juste si on s’arrête à un bilan comptable.
Parce qu’en réalité, tout cet argent gaspillé engendre pour des milliers d’exilés une pression et un stress immense. Tout cet argent gaspillé pour forcer 2 400 personnes à ne pas déposer l’asile dans le pays qu’ils souhaitaient, sans rien changer au final au nombre de demandeurs d’asile.

Si la France n’avait pas appliqué le règlement Dublin en 2016, elle aurait économisé des centaines de milliers d’euros, et aurait respecté les droits de l’Homme.

Si la France n’avait pas appliqué le règlement Dublin en 2016, sachant qu’il y aurait eu environ 25 000 dublinés l’année dernière (dont 4000 enfants), et que le taux d’obtention de l’asile est de 40%, la France aurait donc accueilli… 10 000 réfugiés en plus.
Et nous serions arrivés à un chiffre total de 46 500 réfugiés… soit 0,07% de la population française.
On est loin de l’invasion, non ?

Tout ceci démontre l’absurdité de l’application de ce règlement Dublin.
En janvier 2017, M. Macron, alors candidat aux élections présidentielles, disait à propos des accords de Dublin : « Il faut les améliorer, car ils ont des effets pervers. Je suis pour une réforme qui permette de traiter les demandes d’asile dans les pays tiers, ce qui suppose d’avoir une vraie coordination européenne« .

Mais… une fois élu, visiblement la tendance s’est inversé, il est maintenant question de
réviser le règlement Dublin pour… plus d’effectivité !

Source : Dossier de presse

Le 5 septembre, M. Macron a dit dans un discours aux préfets : « Nous sommes inefficaces dans l’expulsion« .

Son objectif est donc d’avoir de plus en plus d’expulsions, dans une course abjecte entre pays européens à celui qui arrivera à expulser plus d’exilés que les autres. Mais au final, à l’echelle européenne, le bilan sera mathématiquement et obligatoirement « nul », et tout ça n’aura servi à rien d’autre que de déplacer des milliers de personnes de pays en pays. Des milliers de billets d’avions, de placement en rétention administrative, d’énergie et de moyens utilisés dans le seul but de forcer des personnes à demander l’asile dans les pays qu’elle ne souhaitent pas.

Pire, alors que la cour de cassation a entériné que le placement en rétention des dublinés était illégal… notre gouvernement annonce que dans son projet de loi à venir il souhaite… pouvoir placer les personne dublinées en rétention dès le début de la procédure, avant même de savoir si le pays accepte la reprise en charge.

Nous sommes dans une volonté claire de politique repressive, qui n’a pour objectif que de dissuader les personnes en demande de protection de venir dans notre pays et en Europe, quitte à dépenser beaucoup d’argent pour ça.
Nous ne pouvons accepter que tous ces moyens soient mis à la contruction de barrières physiques et administratives, alors qu’ils pourraient être mis au service d’une politique d’accueil bienveillante, respectueuse des droits humains.

Une révision du règlement Dublin et du régime d’asile européen commun est urgent !
Par exemple :

1 – UNIFORMISATION DES CRITÈRES ET TAUX D’OBTENTION DE L’ASILE DANS TOUS LES PAYS EUROPÉENS
A situation et nationalité égale, tout exilé doit avoir les mêmes chances d’obtenir une protection, quel que soit le pays ou il dépose une demande d’asile. Pour cela, tous les pays signataires des accords doivent s’engager sur des critères équivalents d’obtention du statut de réfugié, par nationalité. Une commission dédiée reévaluera les critères tous les 6 mois.

2 – PARTAGE ÉQUITABLE DE LA RESPONSABILITÉ DES DEMANDES D’ASILE ENTRE TOUS LES PAYS EUROPÉENS
Un mécanisme d’équité sera mis en place afin de prévenir les inégalités entre les pays en terme d’accueil des exilés. Le nombre maximum de demandes d’asile qu’un pays européen devra accepter la responsabilité sera calculé en fonction de critères basés sur la taille de la population et le PIB du Pays, et le nombre de demandes en cours. Une commission européenne dédiée reévaluera les critères du mécanisme d’équité tous les 6 mois.

3 – LIBRE CHOIX DU PAYS OU SE FAIT LA DEMANDE D’ASILE
Par défaut, un demandeur d’asile peut choisir le pays ou il souhaite déposer sa demande, en accord avec l’article 13 de la déclaration universelle des droits de l’Homme.
Si, au vu du mécanisme d’équité, un pays européen fait face à un nombre trop important de demandes, le demandeur d’asile de choisir un autre pays. Le choix de cet autre pays sera libre. Si, et seulement si, tous les pays souhaités ont déjà atteint le nombre maximum de demandes selon le mécanisme d’équité, une commission sera chargée de proposer au demandeur d’asile un ou des pays ou il lui sera permit de déposer sa demande. Le ou les pays en question seront déterminés en fonction de la situation du demandeurs, selon des critères de liens significatifs entre la personne et le pays (compétences linguistiques, liens culturels…).

Pour une Europe ouverte et solidaire !

6 Responses to :
Le règlement DUBLIN : injuste et irrationnel

  1. Latapy dit :

    Concrètement, l’application de la procédure Dublin conduit habituellement à faire sortir les demandeurs d’asile…de la procédure : souvent hébergés dans des centres, avec un statut de DA, qu’ils partent ou non dans le pays désigné, ils se retrouvent rapidement à la rue (ou expulsés dans leur pays d’origine !) en situation irrégulière. Et Dublin IV est annoncé comme plus répulsif encore ! Il y a urgence à « fixer » les demandes d’asile sur d’autres critères que le « premier pas posé en Europe » : liens culturels ou linguistiques, volonté de l’exilé, capacités d’accueil des populations européennes (pas que des états),… En 2015, combien de communes ont attendu en vain l’arrivée de réfugiés qu’elles voulaient bien accueillir ?! Le flux des réfugiés est volontairement bloqué par les gouvernements, qui jouent les « débordés » pour quelques dizaines de milliers de personnes qu’ils font tourner en rond en Europe.

  2. Fofana mamadi dit :

    Merci pour les infos faty je suis victime de dublin

  3. Brunswic dit :

    Excellente analyse. Il reste maintenant à trouver un levier politique pour faire avancer les propositions très constructives et malheureusement actuellement hors de portée qui concluent l’analyse. Anne (bénévole Cimade).

  4. Gkn78122 dit :

    Je suis un dubliné ou plus clairement un ruiné, avec ma famille on a réfugié en libye, alors que je suis un tchadien, j’ai quitté la libye pour n’est pas faire la guerre, en mon arrivé en Italie, les italiens ont pris mes empreintes par la force oui.

    Aujourd’hui après presque 8 mois d’entente, la France m’expulse.

    J’aimerais savoir quelque chose car j’ai réfléchi et je veux rentrer en Libye, pour n’est pas qu’un jour on m’expulse vers le Tchad car les italiens ont ma menacé une fois de faire.

    Je préfère quitter l’Europe, le dublin que de finir un jour au Tchad.

    Comment pourrais-je déclencher ce procédure s’il existe, je veux revenir en libye, je veux retourné chez ma famille ?

  5. Ollion dit :

    Le ministère de l’intérieur a pris les devants sur les réformes à intervenir, et sans plus attendre, accorde sa bénédiction aux préfets qui placent en rétention ILLEGALEMENT des demandeurs d’asile dublinés pour mieux les renvoyer, en Italie (qui a informé elle-même l’Union Européenne qu’elle n’était pas en mesure de les recevoir), ou en Hongrie, ou ils sont placés en rétention et logés dans des containers.
    Ces préfets ont compris « le sens de l’histoire », et c’est sans doute pour cela qu’ils sont à leur poste.

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