7 décembre, mobilisez les députés !
Pour ne pas laisser passer une proposition de loi inacceptable, qui permettrait de placer en rétention les personnes dublinées.
Une proposition de loi a été déposée, déjà discutée lors à la commission des lois la semaine dernière et va être discutée en séance publique à l’assemblée nationale le 7 décembre.
Cette proposition de loi est inacceptable !
Elle a pour objectif de donner les moyens législatifs permettant de placer en rétention les personnes en procédure Dublin afin de faciliter leur expulsion.
Le 7 décembre, ne soyons pas passifs, faisons-en sorte que nos députés ne le soient pas non plus et portent notre parole !
Interpellez vos députés, faites-leur savoir que vous êtes en désaccord avec cette proposition de loi, et que vous comptez-sur eux pour que cette proposition ne soit pas adoptée en l’état.
Si, comme c’est à craindre, ils ne sont pas au courant de cette proposition de loi, et ne comprennent pas en quoi elle est inacceptable, transmettez-leur le fichier PDF suivant, ou exposez-leur vos arguments.
La liste des députés : http://www2.assemblee-nationale.fr/qui
Le 7 décembre, la discussion sera retransmise en direct, en vidéo, sur le site de l’assemblée nationale, et nous serons nombreux à regarder pour vérifier s’ils nous représentent.
Début 2018, une refonte complète de la loi sur les étrangers sera discutée, nous serons aussi présents et nous suivrons chaque discussion, chaque proposition, afin de ne pas laisser passer l’inacceptable.
Nous refusons cette politique répressive, nous voulons une vraie politique d’accueil !
Suspicion, rétention, expulsion
La politique d’immigration française dérive, même pas lentement, mais surement, vers l’inacceptable.
Dans la ligne de mire : les « dublinés », c’est à dire les étrangers victimes de ce règlement européen absurde et irrationnel qui leur impose de demander l’asile dans un pays qu’ils n’ont pas forcément choisi, et qui n’est pas forcément celui qui est prêt à les accueillir.
Nouvel épisode dans cette traque abjecte : une proposition de loi portée par des membres du mouvement « les constructifs », qui porte bien mal son nom.
La proposition de loi en question est tout aussi mal-nommée : « Proposition de loi permettant une bonne application du régime d’asile européen ».
En fait de « bonne application », il est ici tout simplement question de faire en sorte de placer en rétention plus facilement et plus rapidement les personnes en procédure Dublin. Pour résumer, la cour de cassation européenne a récemment statué sur le fait que le placement en centre de rétention des personnes dublinées était illégale, parce que conditionnée à des critères objectifs sur les craintes de fuite de la personne, absents dans le droit français.
Ce qui n’a absolument pas empêché un certain nombre de préfectures de continuer les placements en rétention, comme l’a relevé la Cimade.
Cette proposition de loi avait donc pour objectif de répondre à la cour de cassation européenne, afin de permettre à nouveau le placement en rétention des personnes dublinées, dans le but de faciliter leur expulsion. Cette proposition de loi a été adoptée le 29 novembre par la commission des lois de l’assemblée nationale*. En clair, si cette loi est adoptée définitivement, il suffira qu’une personne dise qu’elle n’est pas d’accord pour être expulsée, pour justifier son placement en rétention et la priver de liberté pendant des semaines voir des mois. Il était possible de suivre en direct les discussions, et celles-ci ont été révélatrices (l’intégralité est visionnable ici).
Dès l’introduction par le rapporteur de cette proposition, le ton est donné : M. Warsmann justifie sa proposition sur le fait de la nette augmentation des demandes d’asile, en citant des chiffres erronés. Il dit par exemple que les 25 000 dublinés estimés en 2016 font partie des 85 000 demandes d’asile déposées cette année-là. Ce qui est faux, les personnes en procédure Dublin ne rentrent pas dans les statistiques de demande d’asile de l’Ofpra.
Ce qui révèle déjà un manque de connaissance du sujet, plus que préoccupant pour un rapporteur d’une proposition de loi sur le sujet.
Dans cette même introduction M. Warsmann indique que les 25 000 dublinés de 2016 sont des personnes ayant déjà déposés une demande d’asile dans un autre pays, ce qui leur a été refusé, et qui viennent ensuite retenter leur chance en France.
Là aussi c’est faux : les dublinés ne sont pas tous dans ce cas de figure ! Cela ne concerne qu’entre la moitié et les 2/3, il est difficile d’en avoir une idée exacte : les statistiques eurostat sur le sujet font état de 8 000 dublinés dits en « catégorie 2 », c’est à dire qu’ils n’ont pas déposé de demande d’asile ailleurs, mais juste que leurs empreintes ont été prises dans un autre pays européen. Dans les 17 000 autres cas, donc pour lesquels une demande d’asile a été formulée dans un autre pays, il n’y a pas de statistiques sur le nombre de demandes « passives ». Il est très fréquent que les personnes se voient prendre leurs empreintes dans le premier pays ou elles sont contrôlées, en Italie notamment, et que cette prise d’empreintes aboutisse sur un dépôt de demande d’asile sans qu’elle n’en ait jamais formulée la demande.
Une erreur flagrante, et une approximation tendancieuse… 2 raisons qui peuvent logiquement laisser à penser que cette proposition loi a été formulée pour des raisons idéologiques plus qu’objectives.
C’est au mieux un signe d’incompétence, au pire de malhonnêteté idéologique.
Lors du débat de cette séance, il est à noter que, comme d’habitude, les mêmes députés de droite et d’extrême-droite ont brillé par leurs outrances : Eric Ciotti, des Républicains, souhaite aller encore plus loin et systématiser le placement en rétention des dublinés…
Quand à Marie-France Lorho, député d’extrême-droite du Vaucluse, son discours outrancier habituel ne varie pas : les étrangers mentent, abusent, et les français en ont marre, et il faut encore plus durcir la loi !
Marietta Karamanli (nouvelle gauche), va un peu recadrer le sujet, sans revenir sur le fond, hélas. Seul le député de la France insoumise, Ugo Bernalicis, tiens un discours allant dans un sens un peu plus humain, mais un peu maladroitement, et toujours sans revenir sur le fond et sans relever les erreurs et approximations.
Et c’est pourtant du fond qu’il aurait été important de discuter, des justifications de cette proposition de loi. En clair, cette proposition de loi vise à permettre une plus grande effectivité du règlement Dublin, et donc à augmenter le nombre d’expulsions liées à ce règlement.
Or le règlement Dublin est totalement irrationnel, et plus il est effectif plus il est irrationnel. Les personnes qui arrivent en Europe pour demander une protection doivent avoir le choix du pays à qui elle vont demander l’asile. En quoi sommes-nous légitimes à imposer dans quel pays elle doit se réfugier ?
Oui, certaines personnes font une demande d’asile dans un premier pays, ont un refus, et veulent tenter leur chance ailleurs. Là encore, en quoi sommes-nous légitimes à nous y opposer, sachant que les critères d’obtention du statut de réfugié ne sont pas uniformes en Europe ? Un afghan, à situation égale, aura 23% de chances d’obtenir le statut de réfugié en Norvège, et 82% en France. Un Somalien, toujours à situation égale, aura 32% de chances d’obtenir le statut en France, contre 82% en Allemagne (sources Eurostat).
L’Europe est incapable d’avoir un régime d’asile européen commun, et les demandeurs d’asile n’en sont pas responsables. Donc nous ne sommes pas légitimes quand nous leur refusons de déposer une demande dans un pays où ils potentiellement plus de chances d’être protégés.
Le règlement Dublin n’a qu’une seule conséquence : dépenser des millions d’euros pour déplacer les demandeurs d’asile entre pays européens.
Plus il sera effectif, plus il y aura d’expulsions, donc plus il coutera cher, tout ça sans rien changer au nombre de demandeurs d’asile à l’échelle européenne.
Oui, actuellement le pourcentage d’expulsion n’est que d’une petite dizaine de %.
Et c’est une bonne chose… 10%, c’est déjà 10% de trop.
Oui, les bénévoles et les associations aident les dublinés à échapper à ce règlement absurde, en les aidant à défendre leurs droits avec des avocats, et elles continueront de le faire.
Oui, les bénévoles et associations se mobilisent dans les aéroports, afin de sensibiliser les passagers et le personnel naviguant, en espérant le débarquement des personnes, et elles continueront de le faire, tant que ce règlement absurde et injuste ne sera pas réformé dans le bon sens.
Et pour l’instant, il est difficile d’être optimiste au vu des différentes annonces faites par notre gouvernement. Le projet de réforme de loi sur l’immigration, qui devrait arriver début 2018, est plus qu’inquiétant.
Le 5 septembre, dans un discours aux préfets, M. Macron a déclaré :
Et M. Collomb se satisfait d’une hausse de 124% des expulsions de dublinés.
Cette hausse est probablement le résultat des moyens démesurés que le gouvernement met à disposition des préfets ! Dans une note ministérielle datée du 20 novembre, non publique, et particulièrement inquiétante, on peut entre autres y lire :
En clair, si une famille ou un groupe de dublinés doit être expulsé, les préfets ont le droit d’utiliser des avions privés pour faciliter l’expulsion. Un retour des charters de la honde de Pasqua ?
Pour rappel, si la France n’avait pas appliqué le règlement Dublin en 2016, il n’y aurait eu que 10 000 réfugiés en plus. Et nous serions arrivés à 46 500 réfugiés, soit 0,07% de la population française.
Quand est-ce que la France prendra conscience qu’il serait plus constructif de reporter les millions d’euros dépensés en expulsion sur une vraie politique d’accueil et d’intégration ?
Tant que ça ne sera pas le cas, les bénévoles et assos se mobiliseront, pour le respect des droits humains des étrangers qui nous demandent de leur accorder une protection.
* Il lui reste encore à passer en séance publique le 7 décembre, et il faut espérer que nos députés se mobilisent pour contrer cette proposition.
PLUS D’INFOS :
Dossier de la proposition de loi n°331
Le monde : La pression législative s’accroît pour les migrants enregistrés ailleurs en Europe
Le Figaro : L’Assemblée renforce la rétention pour les migrants «dublinés»
Le règlement DUBLIN : injuste et irrationnel
En France, en 2016, il y eu 85 700 demandes d’asile (67% d’hommes, 33% de femmes, 14 460 enfants).
Environ 40 % de ces demandes ont obtenu une réponse positive, soit 36 500 personnes.
Source : https://www.ofpra.gouv.fr/fr/l-ofpra/actualites/publication-du-rapport-d-activite-5
Ces statistiques ne prennent pas en compte les DUBLINÉS
Les dublinés, ce sont les exilés victimes d’un règlement européen injuste et irrationnel : le règlement Dublin.
En quoi est-il injuste ?
Ce règlement impose aux exilés de demander l’asile uniquement dans le premier pays européen par lequel ils sont entrés… Ou du moins, le premier pays ou ses empreintes sont prises…
Exemple : un Soudanais veut demander l’asile en France : il passe par le Tchad, la Libye… il traverse la méditerranée, dans des conditions dramatiques, en payant très cher des passeurs, et peut-être, arrive jusqu’en Italie. Dans ce pays, ces empreintes sont prises, mais il continue son chemin jusqu’en France, a qui il demande la protection : La France refuse d’examiner sa demande, et l’expulse vers l’Italie. Et il y a des grandes chances pour que l’Italie l’expulse à son tour, parce que ce pays n’est plus en capacité d’accueillir tous les demandeurs d’asile.
Autre exemple : un Afghan souhaite demander l’asile en Norvège : il passe par l’Iran, la Turquie, la Grèce, la Macédoine, la Serbie, la Croatie, la Slovénie, l’Autriche, l’Allemagne, le Danemark, la Suède et enfin la Norvège tout ça sans que ses empreintes soient prises.
Mais la Norvège lui refuse le statut de réfugié.
Alors il vient en France, mais la France refuse d’examiner sa demande, et l’expulse vers la Norvège, ou pourtant l’asile lui a été refusé, donc ce pays risque de l’expulser à son tour en Afghanistan.
Ce règlement Dublin fait partie de ce qu’on appele le « RAEC », le Régime d’asile européen commun.
Mais ce qui caractérise la politique européenne d’asile, c’est plutôt l’inégalité…
Prenons les statistiques de 2016 :
A situation égale, un afghan qui demande l’asile en Norvège a 34% d’obtenir une réponse positive.
Alors qu’en France, il a 82% de chances. En Belgique : 7%.
Un Somalien, lui, aura en France 38% de chances, mais 82% en Allemagne, et 68% en Bulgarie.
Source : http://ec.europa.eu/eurostat/data/database
Ce qui est injuste, c’est que ce règlement impose aux exilés de déposer une demande d’asile dans un pays ou ils ont potentiellement moins de chances d’obtenir le statut de réfugié.
Ca règlement est aussi totalement irrationnel !
L’année dernière, la France a expulsé 1293 personnes vers d’autres pays européens, en leur refusant de pouvoir déposer une demande d’asile en France.
Mais le règlement Dublin marche dans les 2 sens !
Dans le même temps, les autres pays européens ont expulsé vers la France… 1257 personnes, qui ne voulaient pas demander l’asile chez nous.
Tout ça pour « rien »…
Du moins, « rien », juste si on s’arrête à un bilan comptable.
Parce qu’en réalité, tout cet argent gaspillé engendre pour des milliers d’exilés une pression et un stress immense. Tout cet argent gaspillé pour forcer 2 400 personnes à ne pas déposer l’asile dans le pays qu’ils souhaitaient, sans rien changer au final au nombre de demandeurs d’asile.
Si la France n’avait pas appliqué le règlement Dublin en 2016, elle aurait économisé des centaines de milliers d’euros, et aurait respecté les droits de l’Homme.
Si la France n’avait pas appliqué le règlement Dublin en 2016, sachant qu’il y aurait eu environ 25 000 dublinés l’année dernière (dont 4000 enfants), et que le taux d’obtention de l’asile est de 40%, la France aurait donc accueilli… 10 000 réfugiés en plus.
Et nous serions arrivés à un chiffre total de 46 500 réfugiés… soit 0,07% de la population française.
On est loin de l’invasion, non ?
Tout ceci démontre l’absurdité de l’application de ce règlement Dublin.
En janvier 2017, M. Macron, alors candidat aux élections présidentielles, disait à propos des accords de Dublin : « Il faut les améliorer, car ils ont des effets pervers. Je suis pour une réforme qui permette de traiter les demandes d’asile dans les pays tiers, ce qui suppose d’avoir une vraie coordination européenne« .
Mais… une fois élu, visiblement la tendance s’est inversé, il est maintenant question de
réviser le règlement Dublin pour… plus d’effectivité !
Source : Dossier de presse
Le 5 septembre, M. Macron a dit dans un discours aux préfets : « Nous sommes inefficaces dans l’expulsion« .
Son objectif est donc d’avoir de plus en plus d’expulsions, dans une course abjecte entre pays européens à celui qui arrivera à expulser plus d’exilés que les autres. Mais au final, à l’echelle européenne, le bilan sera mathématiquement et obligatoirement « nul », et tout ça n’aura servi à rien d’autre que de déplacer des milliers de personnes de pays en pays. Des milliers de billets d’avions, de placement en rétention administrative, d’énergie et de moyens utilisés dans le seul but de forcer des personnes à demander l’asile dans les pays qu’elle ne souhaitent pas.
Pire, alors que la cour de cassation a entériné que le placement en rétention des dublinés était illégal… notre gouvernement annonce que dans son projet de loi à venir il souhaite… pouvoir placer les personne dublinées en rétention dès le début de la procédure, avant même de savoir si le pays accepte la reprise en charge.
Nous sommes dans une volonté claire de politique repressive, qui n’a pour objectif que de dissuader les personnes en demande de protection de venir dans notre pays et en Europe, quitte à dépenser beaucoup d’argent pour ça.
Nous ne pouvons accepter que tous ces moyens soient mis à la contruction de barrières physiques et administratives, alors qu’ils pourraient être mis au service d’une politique d’accueil bienveillante, respectueuse des droits humains.
Une révision du règlement Dublin et du régime d’asile européen commun est urgent !
Par exemple :
1 – UNIFORMISATION DES CRITÈRES ET TAUX D’OBTENTION DE L’ASILE DANS TOUS LES PAYS EUROPÉENS
A situation et nationalité égale, tout exilé doit avoir les mêmes chances d’obtenir une protection, quel que soit le pays ou il dépose une demande d’asile. Pour cela, tous les pays signataires des accords doivent s’engager sur des critères équivalents d’obtention du statut de réfugié, par nationalité. Une commission dédiée reévaluera les critères tous les 6 mois.
2 – PARTAGE ÉQUITABLE DE LA RESPONSABILITÉ DES DEMANDES D’ASILE ENTRE TOUS LES PAYS EUROPÉENS
Un mécanisme d’équité sera mis en place afin de prévenir les inégalités entre les pays en terme d’accueil des exilés. Le nombre maximum de demandes d’asile qu’un pays européen devra accepter la responsabilité sera calculé en fonction de critères basés sur la taille de la population et le PIB du Pays, et le nombre de demandes en cours. Une commission européenne dédiée reévaluera les critères du mécanisme d’équité tous les 6 mois.
3 – LIBRE CHOIX DU PAYS OU SE FAIT LA DEMANDE D’ASILE
Par défaut, un demandeur d’asile peut choisir le pays ou il souhaite déposer sa demande, en accord avec l’article 13 de la déclaration universelle des droits de l’Homme.
Si, au vu du mécanisme d’équité, un pays européen fait face à un nombre trop important de demandes, le demandeur d’asile de choisir un autre pays. Le choix de cet autre pays sera libre. Si, et seulement si, tous les pays souhaités ont déjà atteint le nombre maximum de demandes selon le mécanisme d’équité, une commission sera chargée de proposer au demandeur d’asile un ou des pays ou il lui sera permit de déposer sa demande. Le ou les pays en question seront déterminés en fonction de la situation du demandeurs, selon des critères de liens significatifs entre la personne et le pays (compétences linguistiques, liens culturels…).
Pour une Europe ouverte et solidaire !
Règlement Dublin : bilan nul
Le comble de l’abbération : les statistiques disponibles sur le site eurostat, concernants les transferts au nom du règlement Dublin, montrent que la France, en 2016, a eu un bilan quasi nul.
L’année dernière, la France a expulsé 1293 personnes vers d’autres pays européens, en leur refusant de pouvoir déposer une demande d’asile en France.
http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=migr_dubto&lang=fr
Dans le même temps, les autres pays européens ont expulsé vers la France… 1254 personnes, qui ne voulaient pas déposer de demande d’asile chez nous.
http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=migr_dubti&lang=fr
Donc notre pays a dépensé des dizaines voire des centaines de milliers d’euros en billets d’avion, centre de rétention, procédures en Préfecture… pour rien.
Du moins, « rien », juste si on s’arrête à un bilan comptable.
Parce qu’en réalité, tout cet argent gaspillé aura engendré pour des milliers d’exilés une pression et un stress inacceptable. Tout cet argent gaspillé pour forcer 2 400 personnes à ne pas déposer l’asile dans le pays qu’ils souhaitaient, sans rien changer au nombre de demandeurs d’asile au final.
Si la France n’avait pas appliqué le règlement Dublin en 2016, elle aurait économisé des centaines de milliers d’euros, aurait respecté les droits de l’Homme, aurait facilité l’intégration des hommes, femmes et enfants qui se sont retrouvés dans le piège de ce règlement Dublin.
Les statistiques pour 2017 ne sont pas encore connues. Mais il est probable que le nombre d’expulsions soit encore plus grand au départ de la France… et probablement un nombre aussi plus grand d’expulsions vers la France.
L’escalade de l’inacceptable.
A quel moment nos dirigeants, nos préfets, vont-ils se rendre compte de l’inanité de leurs actes ?
Et surtout, combien de temps allons-nous accepter d’en subir les conséquences ?
M. le Premier Ministre, quand allez-vous évaluer les flux et les stocks de préfets ?
Premier article de la déclaration des Droits de l’Homme : Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.
Il n’y a aucune raison que je ne m’adresse pas aux préfets comme les préfets s’adressent aux étrangers. La formulation ci-dessus ne devrait donc pas froisser nos préfets, ils ont l’habitude de ce type de langage. La preuve en est cette photo prise à la préfecture de Nanterre :
Une salle apparement fermée au public, mais réservée aux étrangers en procédure Dublin. Avec eux, il semble moins important de prendre de précautions.
Le paradoxe étant que la préfecture de Nanterre a obtenu le label « Qualipref », dont un des critères d’obtention est « Nous sommes disponibles et accueillons les usagers par un mot de bienvenue, en faisant preuve de courtoisie« .
Autre exemple avec ce document préfectoral, le SRADA (Shéma régional d’accueil des demandeurs d’asile) de Bretagne, ou il est possible de lire le texte suivant :
Les guillemets de précaution sont presques pires, elles mettent en lumière une certaine hypocrisie, j’imagine mal que dans les réunions préfectorales les personnes agitent leurs doigts pour mimer les guillemets quand elles utilisent ces termes oralement.
Non, cela doit être un langage courant, et révélateur.
Révélateur de la déshumanisation dont sont victimes les demandeurs d’asile, les étrangers en général, et certainement toutes les personnes « modestes », qu’elles qu’elles soient.
Je ne jette pas l’opprobe sur tous les préfets, il y en a qui ont une conception humaine de leur fonction, comme on peut le constater ici ou là.
Pour rappel, les préfets, qui sont nommés sur avis du premier ministre, représentent l’ensemble du gouvernement dans le département.
Est-il acceptable de laisser des préfectures s’exprimer ainsi ?
En droit français, « Une injure est une parole offensante adressée délibérément à une personne dans le but de la blesser moralement, en cherchant à l’atteindre dans son estime de soi, son honneur ou sa dignité. »
Quand un étranger est convoqué à un « guichet destockage », son honneur et sa dignité sont-ils respectés ?
A quel moment s’est passé le « basculement » ? Comment expliquer que nos administrations ont oublié que derrière chaque étranger, qu’il soit demandeur d’asile, dublinés, déboutés, avec ou sans papiers, il y a un homme ou une femme, avec une famille, une vie, une histoire, un passé, et qu’ils sont juste à la recherche d’un futur ? Des êtres humains, quoi.
Comme n’importe quel préfet, ni plus, ni moins.
On ne considère pas un être humain, préfet ou pas, en terme de « stockage ».
Je m’excuse donc d’avoir utilisé cette terminologie en parlant de nos préfets.
J’espère que notre premier ministre demandra à certains de ses préfets de s’excuser.
Mieux comprendre pour mieux dénoncer le réglement DUBLIN
Principal obstacle à une politique européenne commune de l’accueil, ce réglement oblige les réfugiés potentiels à demander l’asile dans le premier pays européen ou il est entré et identifié. Véritable piège pour les demandeurs d’asile, il en résulte des vagues d’expulsion massives et injustes de la part de nos gouvernements. Il serait pourtant possible de l’éviter, mais cela nécessite une réelle volonté politique. C’est à nous, citoyens, associations, élus, de réclamer de nos dirigeants qu’ils fassent preuve de courage, et s’engagent pour une abrogation de cette loi, ou à minima une application qui respectent les fondamentaux du droit d’asile.
Monsieur H.
C’est un tout petit bureau, 8m2 maximum, sans fenêtre, dans les coulisses du service immigration de la Préfecture. Nous sommes 3 physiquement autour du bureau, + un interprète afghan, avec qui nous dialoguons par téléphone, le combiné posé sur le bureau, en mode haut-parleur.
J’accompagne monsieur H., qui a été convoqué « pour organisation matérielle en vue de la mise à exécution de la mesure de réadmission en Allemagne ».
La France accorde facilement le droit d’asile
« Le droit d’asile est devenu tellement souple qu’il est devenu une nouvelle filière d’immigration clandestine »
« Droits d’asile : les Français condamnés à payer la facture du laxisme socialiste »
« Une preuve de plus que sur les questions de demande d’asile et de réfugiés, les pays de l’UE sont peu regardants sur les profils des individus qu’ils accueillent. »…
Voici quelques exemples de phrases qu’il est possible de lire sur les sites d’extrême-droite, et qui insinuent qu’il est « facile » d’obtenir le droit d’asile en France et en Europe. Cette procédure est imparfaite, il y a beaucoup de critiques à en faire, mais pas celle du laxisme.
On en fait plus pour les migrants que pour les français
« Avant d’aider les migrants, vous feriez mieux de vous occuper des Français qui en ont besoin. »
Argument récurrent… dès que vous parlez de votre engagement envers les migrants !
Si ceux qui l’utilisent fréquentaient un peu plus les associations humanitaires, ils auraient constaté qu’on y retrouve généralement les mêmes personnes que dans les assos d’aide aux migrants. Je n’ai jamais entendu quelqu’un dire qu’il voulait aider les migrants mais pas les Français. Il est fréquent également de mettre en balance le nombre de migrants et le nombre de SDF… en oubliant de préciser qu’il y a un grand nombre d’étrangers parmi les SDF. Les associations qui les aident ne font pas de différence : une personne à la rue est une personne à la rue, qu’elle soit Française, Basque, Bretonne, Italienne, Roumaine, Kurde, Afghane ou Syrienne.