Depuis quelques jours la question d’une éventuelle dissolution du mouvement politique Génération identitaire serait étudiée par le gouvernement. Plusieurs articles dans les médias posent la question de la pertinence d’une éventuelle dissolution et de ses fondements juridiques.
Il me semble qu’une telle dissolution ne serait légitime QUE si elle porte sur des éléments juridiques solides et établis, au-delà de tout élément idéologique. Les conditions pour une telle dissolution sont-elles réunies ?
Le cadre légal
La dissolution d’associations ou groupement est encadré par l’article L212-1 du Code de la sécurité intérieure. Cet article énonce plusieurs conditions, qui ne sont pas cumulatives. Une seule d’entre elles suffit théoriquement à justifier la dissolution. Pour moi ils relèvent d’au moins 2 critères :
« Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait :
(…) qui présentent, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées ;
(…) ou qui, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ; »
Cette vidéo le démontre : https://www.youtube.com/watch?v=2_q1ZyoZ_c4
Il y est dit : « Nous ne refuserons aucune bataille, aucun défi, pour nous la vie est un combat. Ne vous méprenez pas, ceci n’est pas un simple manifeste, c’est une déclaration de guerre. » (de 0,22 à 0,30).
S’en suivent des images de manifestation, mais aussi des images de leurs « université d’été », avec les participants tous en uniforme, en rang ou en entrainement au combat.
La vidéo se termine par une scène montrant quelques jeunes identitaires bloquant l’accès à des gendarmes.
Cette vidéo constitue à elle-seule la preuve que ce mouvement, «par sa forme et son organisation militaire » présente le « caractère d’un groupe de combat ou de milice privé ».
Quant à la provocation à discrimination envers un groupe de personnes à raison de leur origine, même s’ils sont généralement très prudents sur leurs formulations pour ne pas franchir la ligne rouge, d’après cet article de Marianne ils l’ont bien franchi il y a quelques jours, en ciblant explicitement les « afro-maghrébins » :
DES QUESTIONS SUR LE FINANCEMENT :
Autre aspect qui demande vérification, mais qui ne justifierait pas à lui seule une dissolution : le respect des obligations légales de publication de compte. L’opération « Defend Europ » de 2018 dans les Alpes aurait coûté 200 000 euros, d’après leur porte -parole.
https://www.lyoncapitale.fr/politique/decryptage-de-defend-europe-le-coup-de-com-des-identitaires/
Cette somme aurait été réunie grâce à plusieurs appels aux dons. Un rapport d’enquête de l’Assemblée Nationale indique que leur budget annuel serait dans les 300 000 euros, quasiment exclusivement réuni grâce aux appels aux dons. Sauf erreur, cette association rentre donc dans le cadre de l’obligation de publication des comptes annuels :
https://www.journal-officiel.gouv.fr/associations/comptes/
Or leurs comptes ne semblent pas disponibles :
https://www.journal-officiel.gouv.fr/associations/recherche/
LIENS AVEC LE RASSEMBLEMENT NATIONAL
Génération Identitaire se dit indépendant de tout parti politique, mais dans les faits les liens sont clairement établis.
Philippe Vardon, ancien responsable du « Bloc identitaire » à Nice est désormais cadre du Rassemblement National :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Vardon
Damien Rieu, alias Damien Lefevre, a été porte-parole de Génération Identitaire, puis salarié de ce mouvement pour l’organisation de l’opération dans les Alpes. Il est aujourd’hui assistant parlementaire du député européen du RN Philippe Olivier.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Damien_Rieu
NON VIOLENT ?
Génération Identitaire se dit non-violent. Plusieurs vidéos de promotion montrent pourtant qu’ils entraînent leurs membres au sport de combat lors de leurs « universités d’été ». Présentés officiellement comme des cours de « défense », les vidéos montrent bien qu’il n’en est rien et qu’il s’agit d’entrainement au combat de rue :
https://www.youtube.com/watch?v=EaS_zO5ddt4
En 2018, plusieurs membres ont été condamnés pour une attaque au couteau sur 2 mineurs (dans le dos) :
https://www.rue89lyon.fr/2018/09/06/coups-de-couteau-dans-le-vieux-lyon-cinq-personnes-de-la-mouvance-identitaire-condamnees/
L’auteur du coup de couteau est un cadre du mouvement identitaire « Rebeyne », branche lyonnaise de Génération identitaire.
http://www.generationidentitairelyon.org
Le logo « Rebeyne » est d’ailleurs tatoué sur le bras de Damien Rieu, comme le montre cette vidéo de reportage sur l’opération dans les Alpes en 2018 :
https://www.youtube.com/watch?v=_7wtdcAeZ8Q
DISSOLUTION ?
Ces éléments permettent-ils de justifier une dissolution ? Ce sera à la justice de trancher, en s’appuyant sur le droit et uniquement le droit.
Dans l’attente, il est déjà possible de se poser la question suivante : imaginez une association d’ « ultra-gauche » ou se revendiquant de la religion musulmane, qui se déclarerait « non-violente » mais qui diffuserait des vidéos de propagande ou elle lance des « déclarations de guerre », filme des camps d’entrainement au combat de rue et appelle à s’en prendre aux européens, dont des membres ont été condamné pour des agressions au couteau…
La légitimité d’une dissolution se poserait-elle ?